Chronique - Abgrall : "Wawrinka est craint désormais"
Par Tennis Actu le 22/04/2014 à 20:57
Le premier Masters 1000 sur terre battue de la saison venant de se terminer du côté du Rocher et de Monte-Carlo, place à la Chronique sur votre site Tennis Actu. C'est Fabrice Abgrall qui officie sur les antennes de Radio France, France Info et France Inter qui s'y colle. La prochaine, ce sera au tour d'Eric Salliot, journaliste à Next radio pour BFM TV et RMC Sport. Bref, Stanislas Wawrinka s'est imposé à Monte-Carlo et notre Chroniqueur Fabrice Abgrall a forcément son petit avis sur les performances de l'actuel numéro trois mondial.
Stanilas Wawrinka, la preuve par sept
4 + 3 = 7 : aux quatre titres remportés par Stanislas Wawrinka entre 2006 et 2013, il convient d’en ajouter trois autres tous obtenus cette année : Chennai, Open d’Australie et Monte Carlo, ce qui porte à 7 le nombre de titres gagnés par le suisse depuis le début de sa carrière professionnelle en 2002. Stanislas Wawrinka est sur le circuit professionnel depuis tellement longtemps, il fait parler de lui depuis tellement longtemps, que ce bilan paraît presque famélique au regard du talent de ce joueur âgé aujourd’hui de 29 ans. Peu importe. Stan Wawrinka s’est installé cette saison dans le paysage du tennis mondial. Il s’y sent bien et de toute évidence, il a l’intention d’y rester.
Evidemment, Stanislas Wawrinka ne possédera jamais le palmarès de Rafaël Nadal (62 titres dont 13 en Grand Chelem), ni celui de Novak Djokovic (43 titres dont 6 en Grand Chelem) et encore moins celui de Roger Federer (78 titres dont 17 en Grand Chelem). Le Suisse en est parfaitement conscient et dans l’absolu il ne cherche pas non plus à les égaler. Son objectif n’est pas là. Il est bien plus simple. Lui, il vit l’instant présent. Côtoyer ces joueurs là, les affronter et les battre suffit à son bonheur et précisément, en ce moment, à ce niveau, il est comblé.
Parce que Wawrinka s’applique à les battre sans que cela ne surprenne plus personne. A l’arrivée, c’est l’année des premières pour le Vaudois : Wawrinka a remporté en janvier dernier à Melbourne son premier titre du Grand Chelem en épinglant Novak Djokovic en quart de finale et Rafaël Nadal en finale et dimanche dernier à Monte Carlo, Stan « le Bison » s’est offert son premier Masters 1000 en dominant Roger Federer avec à la clé la première place à la Race et tout ça réalisé en moins de trois mois. Sur le Rocher, Wawrinka n’a fait que confirmer son succès Australien et conforté sa 3ème place mondiale. « Stanimal » est conscient qu’il peut viser plus haut mais le garçon reste lucide : « Au classement Nadal et Djokovic sont beaucoup trop loin mais c’est clair que je veux aller plus haut. J’ai envie d’aller plus loin et gagner plus de titre, précise-t-il. Mais maintenant c’est important pour moi de rester toujours dans la peau du challenger. Un match qui commence face à n’importe quel adversaire, c’est un nouveau défi pour moi mais pas question de me sentir favori. Le tennis, c’est un éternel recommencement. Je ne me mets jamais dans la peau d’un favori, c’est la seule façon pour moi de rester concentré et d’aller plus loin. »
"Dans l'ombre de Roger Federer"
Stanislas ressemble à tout sauf à une vedette. C’est l’anti star par excellence. Stan est un garçon simple, attachant et d’une humilité presque maladive. Wawrinka sait d’où il vient. Il sait aussi que pour arriver là où il est aujourd’hui, il a dû bosser et peut être plus que les autres. Car depuis le début de sa carrière il a toujours vécu dans l’ombre de Roger Federer, son illustre et encombrant compatriote. Beaucoup se serait découragé. Pas lui. De cette ombre aussi imposante que pesante, Wawrinka en est sorti. La lumière ne l’éblouit pas. « Stan s’est émancipé de Roger Federer, constate Arnaud Boetsch, l’ancien vainqueur de la Coupe Davis. Il faisait peut être un complexe d’infériorité mais ce complexe a disparu à Melbourne. En fait c’est le résultat du travail fourni à l’entraînement. Stan se construit progressivement. Il est plus fort et plus solide mentalement. Plus solide dans son jeu. Les résultats suivent. Il a toujours eu beaucoup de respect pour Roger. Peut être même un peu trop parfois mais c’est fini. Stan existe par lui-même. Il s’affirme jour après jour. Et sincèrement ça fait plaisir à voir. »
Aujourd’hui, Stan Wawrinka est connu et reconnu à sa juste valeur. Le Vaudois a su franchir les paliers, un par un, tout en explosant les barrières qui se présentaient devant lui. Il n’a plus aucun complexe. Rien ni personne ne lui fait peur. Clairement, Wawrinka a pris de l’envergure et de l’épaisseur. Son statut a changé et immanquablement, le regard des autres aussi. Il apprécie cette nouvelle dimension même s’il a été déçu par certaines réflexions qui laissaient sous entendre que s’il avait gagné l’Open d’Australie, c’est parce que Rafaël Nadal était blessé au dos le jour de la finale. Stan laisse parler les grincheux, les esprits chagrins et les malveillants. Il sait ce qu’il a fait à Melbourne. Il sait ce qu’il a remporté et ça personne ne peut lui enlever. Mais l’après triomphe a été compliqué à maîtriser car de retour de Melbourne, le Vaudois a dû gérer une popularité et une notoriété à laquelle il ne s’attendait pas. Qu’il le veuille ou non, il y aura toujours désormais un « avant » et un « après » Melbourne. Il lui a fallut un peu de temps pour, dit-il, « se remettre la tête à l’endroit » mais Wawrinka y est parvenu : « C’était agréable parce que cette popularité venait de cette victoire à Melbourne. En fait cette notoriété a été un joli problème parce que ça venait d’un gros résultat mais ça reste des problèmes à régler malgré tout dans la vie de tous les jours. Il y a plus de sollicitations extra sportives, plus de demandes. Il faut savoir gérer tout ça pour savoir remettre ça dans l’ordre. Il faut savoir s’entourer et écouter les bonnes personnes. Cela n’a pas été simple. C’est ce qui explique en partie mais résultats relativement moyens à Miami et Indian Wells. Il m’a bien fallu deux semaines avant Monte-Carlo pour digérer tout ça. Et maintenant je suis très positif pour le reste de la saison. »
"Magnus Norman, pas impressionné par les résultats de son poulain"
Positif, Wawrinka l’est énormément, confiant aussi dans ses facultés à gagner de grands tournois et battre les meilleurs. Stan se donne les moyens de réussir. Il s’est offert depuis un an les services de Magnus Norman et depuis, il ne calcule pas ses efforts. Wawrinka prouve qu’à 29 ans, il est encore possible de se construire un beau palmarès. Magnus Norman n’est pas impressionné par les résultats de son poulain mais surtout par sa capacité d’encaisser de grandes doses d’entraînement. Wawrinka accepte de travailler parce qu’il veut réussir là où certains le voyaient échouer. Arnaud Boetsch est persuadé que Stan peut encore surprendre tous les meilleurs joueurs du monde à plus ou moins long terme. « Bien sûr qu’il peut sérieusement jouer les troubles fêtes, affirme l’ancien vainqueur de la Coupe Davis. Il joue généralement bien sur terre battue et à Roland Garros. Il y a toujours bien joué. En plus, il a trouvé une manière de travailler et de se structurer qui lui permet de se stabiliser. Il est dur au mal. Il y a un travail de fond qui est en place et il y a une intelligence dans le quotidien qui lui permet de progresser. C’est un joueur surpuissant. Son revers est une merveille. Il a renforcé son coup droit. Il est puissant mais plus que ça… il est compact. Ses balles partent très vites. C’est un athlète complet. Très robuste. Et puis il est super sympas. Il est humble. Il est conscient de sa valeur mais il n’en fait pas trop. Honnêtement, il est 3ème mondial et mois en tant qu’observateur du tennis, je n’aurai jamais pu penser qu’il arrive à ce niveau. Et pourtant il y est et c’est mérité. Le potentiel est là mais il y a tellement joueurs qui en ont mais qui n’y arrivent pas. Lui, il a réussi. Il a eu l’intelligence de s’entourer parfaitement. Il a une capacité à travailler phénoménale. Il peut donc poser de sérieux problèmes sur le court à Rafa et Djoko.»
"Il a le tennis pour dominer Rafael Nadal et Novak Djokovic"
Rafaël Nadal et Novak Djokovic restent les deux grands favoris du prochain Roland Garros (26 mai au 8 juin). Mais Stan Wawrinka est conscient que, sur terre battue, il a le tennis pour les dominer. « C’est difficile de les battre à Roland Garros, j’en ai déjà fait les frais, se souvient-il. Mais je me sens bien sur terre battue. Nadal est plus dur à jouer sur terre que Djoko. Mais ma puissance de frappe, mon physique, le fait que je puisse tenir de très longs échanges et de très longs matches, le fait que je ne lâche pas, même dans des filières longues, le fait que je puisse aussi imposer un rythme très élevé, le fait que je peux réussir des coups gagnant même quand les conditions sont lentes… Tout ça me fait dire que oui je peux les inquiéter mais il faut bien se préparer.»
Stan Wawrinka a toujours été redouté mais aujourd’hui il est craint. Il y a une petite nuance mais elle fait toute la différence. Les autres joueurs ne le voient plus de la même façon et davantage encore depuis sa victoire dimanche à Monte -arlo « « Cette victoire va me donner beaucoup de confiance dans la perspective de Roland Garros. C’est la preuve que je peux aller chercher des gros titres sur terre battue. Je confirme aussi que je peux battre les plus grands joueurs. C’est génial. C’est magnifique. Il y a aussi beaucoup d’émotion de remporter mon premier Masters 1000, de le faire qui plus est à Monte Carlo, le premier tournoi sur terre battue mais la saison sur terre est encore longue. Il reste pas mal de tournoi avant Roland Garros comme Madrid et Rome. Il faut rester concentrer avant de parler du French Open. »
Stan Wawrinka ne dira jamais qu’il est le favori de Roland-Garros. Au mieux, il précisera qu’il fait partie des joueurs susceptibles de s’imposer Porte d’Auteuil. Guy Forget l’a vu gagner à Monte-Carlo et pour lui, il ne fait aucun doute que Stan est un prétendant au titre : « Les choses n’arrivent pas par hasard. Cette victoire à l’Open d’Australie, qu’on le veuille ou non, était méritée et en plus il confirme à Monte Carlo. Stan est un garçon ambitieux. Il joue de mieux en mieux au tennis. Il dégage une vraie sérénité. Et ce parcours à Monte Carlo n’est que le reflet de son état de forme depuis de plusieurs mois. En tout cas, il frappe un grand coup sur la table. Il montre que derrière Nadal et Djoko, il est là et bien là. Il rentre naturellement dans la peu des vainqueurs potentiels pour le prochain Roland Garros. »
Stan Wawrinka ne veut pas encore parler de Roland-Garros. Il connaît trop bien le tennis pour savoir qu’à tout moment, toute cette embellie, cette confiance et cette euphorie peuvent disparaître. Alors Stan bosse, sans relâche et avec l’humilité de ceux qui ont encore tout à prouver.
Vidéo - Wawrinka a renversé Federer en finale de Monte-Carlo 2014
20/04/2014. Stanislas Wawrinka a remporté ce dimanche le tournoi de Monte-Carlo. Le Suisse a dominé en finale son compatriote Roger Federer, battu en trois sets (4-6, 7-6, 6-2). Vainqueur de l’Open d’Australie en janvier dernier, le numéro 3 mondial s'offre un tournoi Masters 1000 pour la première fois de sa carrière.