Chronique - Eric Salliot : "Non, au tennis sans échange !"
Par Eric SALLIOT le 28/01/2015 à 22:38
Vidéo - Open d'Australie - Sur TennisActu.net avec Eurosport !
Notre chroniqueur Eric Salliot, journaliste sur RMC, présent à Melbourne, a décidé de pousser un petit coup de gueule. Il s'inquiète du fossé qui se creuse au niveau de la communication entre les médias et les acteurs du tennis.
On ne va pas vous mentir : cet Open d’Australie aura été une petite catastrophe pour le tennis français. Les résultats n’ont pas été bons, les experts étrangers livrent des jugements sur la mentalité de certains de nos joueurs qui ne font pas plaisir à lire. Même s’ils sont peut-être reçus avec un recul que les intéressés n’auraient pas s’ils émanaient d’observateurs à la nationalité française…
Mais ce n’est pas le sujet de ce Day 10. Après tout, Pierre-Hugues Herbert et Nicolas Mahut sont à deux étapes de remporter un Grand Chelem. Tout comme Amélie Mauresmo. La trajectoire de l’ancienne numéro un mondiale au côté d’Andy Murray est assez remarquable. Sa reconversion en tant que coach de haut niveau suscite des commentaires élogieux car si l’Ecossais atteint ce "high level", elle n’est y pas pour rien. Ou alors, c’est une escroquerie. Ce que je ne me permettrais pas de penser. Loin de là. Pour les médias français, c’est une aubaine, un angle nouveau, une bouffée d’oxygène dans cette noirceur.
Un manque d'explications
Ce matin dans un hôtel de la City, Amélie Mauresmo a annoncé et commenté sa liste pour le premier tour de Fed Cup en Italie. Génial, elle allait en profiter pour évoquer le parcours d’Andy. Eh bien non. Amélie est adepte du "no". C’est son droit après tout. Elle est libre de communiquer ou pas. Ses explications ?
Si elle parle aux quelques journalistes français, elle est obligée de s’épancher auprès des envoyés spéciaux de la presse britannique. Et où est le problème ? Andy ne tient pas à ce que sa coach s’exprime, imitant ainsi Roger Federer ? C’est flou… Ou bien, elle n’a pas aimé la surveillance "paparazienne" dont elle a été la victime lors durant le dernier Wimbledon ? Ou est-ce une autre raison ? Pour côtoyer – et apprécier – Amélie depuis qu’elle est junior, je peux vous affirmer qu’elle est suffisamment intelligente pour savoir ce qu’elle dit. Et que je n’ai pas le souvenir de l’avoir vu "déraper" en interview.
Alors, le débat est clos ? J’aimerais juste lui faire remarquer que des rédactions et des journalistes – payés à la ligne, parfois – font des efforts financiers – presque des paris – pour couvrir cet Open d’Australie, qui n’est pas le plus abordable des quatre Majeurs. "Vendre" à ses supérieurs un sujet Mauresmo constitue une valeur ajoutée non négligeable. Ca donne l’impression d’avoir amorti le voyage.
Réfléchir et cohabiter
Au fil des années, le contingent des journalistes français qui couvre le "happy slam" s’effiloche. Pour information, RTL n’a pas débloqué le budget pour envoyer une personne de son staff. C’est, j’en ai peur, l’amorce d’un virage dangereux. On veut interdire l’usage des oreillettes en voiture. Je crois que les acteurs d’un tournoi du Grand Chelem doivent cesser d’avoir des œillères. Et de rester à l’écart dans leur Player’s Lounge. Ou alors, le tennis file un très mauvais coton.
Les prize-money explosent de manière presque indécente. Mais Craig Tiley, le directeur du tournoi, se sent quand même obligé de donner des chèques voyages de 2 500 dollars australiens à chacun des participants des qualifs, Car ces sans-grades ne roulent pas sur l’or. Je ne prêche en aucune manière pour que les journalistes soient aidés. J’en serais même outré. Je demande juste que chacun fasse un effort pour que les deux professions cohabitent en bonne intelligence. Cinq minutes de point-presse, même pour dire des banalités, ça donne le sourire à celui qui tient le micro, le magnétophone ou la caméra.
Le tennis a besoin de visibilité. La visibilité ne doit pas seulement être offerte par les richissimes chaînes de télé ou Twitter et Facebook. La salle de presse écrite ou radio de l’Open d’Australie regorge de passionnés, qui cherchent des histoires à raconter, pas seulement à retranscrire des propos mécaniques ou à chercher la petite bête.
Le tennis français ne traverse pas la période la plus joyeuse de son histoire. En termes de communication pure, la gestion de la finale de la coupe Davis a suscité l’incompréhension. Depuis, Arnaud Clément se mure dans un silence. Le tennis moderne tend vers un jeu sans échanges. Et ça me navre que la vie du circuit en arrive là aussi.