Cinéma - Olivier Gourmet à l'affiche de "Terre battue"
Par Christophe de JERPHANION le 15/12/2014 à 18:08
Ce mercredi, sort en salles, Terre battue, premier long métrage de Stéphane Demoustier, que Tennis Actu vous a déjà présenté. Un film dans lequel le tennis tient une part importante, à travers le personnage de Hugo, joué par le jeune Charles Mérienne, champion de Bourgogne des 10-11 ans.
Voici un entretien avec Olivier Gourmet, comédien connu et reconnu, qui joue le père de Hugo. C'est à travers la relation à la fois complice et pourtant pleine d'incompréhension, que va se nouer le drame. Rencontre avec un grand acteur, qui ne nous parle pas de tennis, car, de son propre aveu, "il n'y connaît rien", mais de ce film, de son rôle et de son jeune partenaire...
Qu'est-ce qui vous a atttiré chez ce personnage, cadre dynamique drogué du boulot, père d'un fils qui débute une carrière de joueur de tennis prometteuse ?
Oui, ça a été une des priorités dans mon choix que le personnage me touche. Il y a chez lui cette violence de la solitude. Cet homme s'est construit tout seul, il a démarré au bas de l'échelle, sans sortir d'une grande école commerciale et, à force, il est rentré dans le système, l'a cautionné et est devenu aussi cynique que lui, comme lorsqu'il promet de réembaucher tout le personnel du magasin qu'il veut reprendre alors qu'il sait que ce n'est pas vrai. Il a cette cruauté-là.
Mais, il n'est pas le seul à avoir un parcours marqué par la solitude. Le père ne voit pas vraiment où en est son fils et ce qu'il ressent. Le gamin se construit seul, lui aussi, sans avoir derrière lui un père qui le pousse et le met en avant. Il se construit seul par rapport à ce qui lui a été transmis et je trouve que c'est d'autant plus fort et d'autant plus violent.
Ce père est un battant et pourtant, il ne voit pas les points communs qu'il a avec son fils, champion en herbe...
Non, la passion rend aveugle. Elle est à la fois un moteur formidable et quelque chose de destructeur et d'aveuglant. D'ailleurs, un des thèmes du film, c'est "jusqu'où peut-on aller par passion ?" Ce père n'est pas un personnage égoïste, mais il est tourné uniquement vers sa passion, parce que c'est son moteur. Son seul vecteur pour exister, se sentir vivre et exister avec les autres.
Il y a beaucoup de gens comme ça. Moi aussi, j'ai besoin d'exister à travers mon travail. Je ne suis pas le même avec les autres, si je n'ai pas une forme d'épanouissement et de plaisir dans mon travail au quotidien. Mais ça peut aussi vous déborder. Mon personnage n'est pas quelqu'un qui veut s'enrichir, il ne dit jamais "je veux gagner de l'argent", mais "je veux vivre, je veux aimer les grands magasins, je veux voir un parking plein"... Ce n'est pas un ambitieux surdimensionné, c'est un gourmand.
On voit entrer en collision les passions du père et du fils, comme lorsque Hugo est disqualifié pour être arrivé en retard, parce que son père, sur le trajet, s'est arrêté pour admirer un centre commercial...
C'est paradoxal, parce que ce père devrait être dans la rigueur et s'oublier pour, tout à coup, permettre à son fils de s'épanouir. D'autant qu'une fois arrivé, il explique aux responsables du tournoi que son fils pourrait jouer, même pour le plaisir. Il en revient toujours à "jouer au tennis, pour toi, ça ne doit être que du plaisir" et pas encore de l'ambition ou de la compétition.
Ce qui était intéressant dans ce personnage, c'était de ne pas l'inscrire dans un père autoritaire, à la Williams, qui dirait sans cesse "tu n'en fais pas assez, t'as vu comment tu sers ? Et ton revers ? t'es à chier, pourquoi tu es devant la télé au lieu de travailler, de taper des balles dehors". Non, son moteur à lui, c'est d'abord le plaisir, parce qu'il s'est construit comme ça lui-même.
Comment s'est passée votre relation avec Charles Mérienne, qui incarne Hugo, votre fils, jeune et prometteur joueur de tennis ?
Les échanges sont parfois plus faciles avec un enfant qu'avec un comédien ou une comédienne confirmé, parce que les choses se font plus naturellement entre un adulte et un enfant, à partir du moment où vous ne détestez pas les enfants... Ce n'était pas mon premier tournage avec des enfants et ce n'est pas toujours facile. Stéphane Demoustier le disait, il faut essayer de trouver ensemble ce moment où il va être parfaitement relâché.
D'habitude, ça se prépare avant le tournage par énormément de répétitions, mais ça n'a pas été le cas ici, car je sortais directement d'un autre tournage, et on n'a pas pu travailler avant avec Charles, ce que j'aurais fait si j'avais eu le temps, pour rassurer tout le monde.
On part toujours un peu dans l'inconnu avec un enfant. Stéphane, un peu moins, puisqu'il avait fait le casting lui-même. Il faut s'efforcer de garder une relation normale d'adulte à enfant, ne pas vouloir se mettre à son niveau. Et il faut qu'il conserve cette notion de plaisir et de simplicité. Qu'il ne se prenne surtout pas la tête. Qu'il ne commence pas à se prendre pour un acteur ou pour la vedette du film, parce qu'il est privilégié, qu'on vient le chercher, qu'on le ramène...
Charles, c'est un gamin simple, naturel, ce n'est pas un emmerdeur, un sale gosse, un enfant pourri gâté. C'est, par la force des choses, quelqu'un qui sait se concentrer. La relation a été simple, naturelle, avec de la sympathie et de la connivence, parce qu'on jouait une relation père-fils.
Par moments, on ne sait plus vraiment qui est l'adulte et qui est l'enfant, comme lors de cette scène, après une soirée très arrosée, où vous l'emmenez vandaliser la médiathèque locale, que sa mère a dessinée...
Hugo, c'est un peu le garde-fou. Il n'a pas envie d'y aller, d'ailleurs. Et on l'emmène taguer une grosse bite (sic) sur la façade. Le fantasme de Stéphane, sûrement... C'est souvent le cas dans la vie, cette inversion des rôles. Dans Terre battue, il y a souvent un parallèle entre les deux personnages, la transmission, qui regarde qui, qui influence qui...
Ce père est tellement dévoré par son ambition, ce n'est pas qu'il passe à côté de ce que vit son fils, mais il ne le voit pas. Il est concentré, il connaît la rigueur qu'il faut, l'investissement qu'il faut pour bêtement vivre de son plaisir, et pourtant, il n'emmène pas son enfant vers cette rigueur-là.
Propos recueillis au Tennis Club de Paris, par Christophe de Jerphanion, pour Tennis Actu.
A noter que Terre battue est à découvrir en avant-première ce lundi, à 19h15 au cinéma le Prado, de Marseille, et ce mardi, à 20h15, à l'UGC les Halles, à Paris. Cette seconde projection se fera en présence de l'équipe du film.