Culture Tennis - Pourquoi Gary n'est pas devenu Federer
Par Clémence LACOUR le 24/12/2015 à 09:37
Vidéo - Basic: "Entrer dans le top 100
Un peu de culture, ça peut pas faire de mal, surtout à quelques jours des fêtes. Tennis Actu vous propose une petite sélection de moments tennistiques piochés ça et là dans le répertoire cinématographique, musical et littéraire, à découvrir ou à redécouvrir. Aujourd'hui nous vous proposons un extrait de La Promesse de l'Aube, de Romain Gary. Dans cette autobiographie, romancée comme bien des autobiographies, l'auteur raconte ses souvenirs d'enfance et évoque avant tout sa mère, persuadée que son fils sera un jour célèbre grâce à ses dons. D'origine modeste, elle est prête à tous les sacrifices pour offrir à son enfant le destin qui sera le sien. Le petit Romain, qui n'est visiblement pas de la graine de Roger Federer, ou de Novak Djokovic, troquera plus tard pour le plus grand bonheur des lecteurs la raquette pour le stylo. De jeunes joueurs, eux, rêvent toujours de sommets tennistiques, tels Mirza Basic, le joueur de Hope and Spirit.
"Je tâtai également du tennis, ayant reçu en cadeau une raquette des parents d'un ami. Mais il fallait payer, pour devenir membre du Club du Parc Impérial, une somme qui dépassait nos moyens. Ici se situe un épisode particulièrement pénible de ma vie de champion. Voyant que, faute d'argent, l'accès du Parc Impérial allait me demeurer interdit, ma mère fut prise d'une juste indignation. Elle écrasa sa cigarette dans une soucoupe et saisit sa canne et son manteau. Ça n'allait pas se passer comme ça. Je fus invité à prendre ma raquette et à accompagner ma mère au Club du Parc Impérial. Là, le secrétaire du Club fut sommé de comparaître devant nous et, les éclats de voix de ma mère faisant leur chemin, il le fit incontinent, suivi par le président du Club, lequel portait le nom admirable de Garibaldi, et qui accourut également. Ma mère, debout au milieu de la pièce, son chapeau légèrement de travers, brandissant sa canne, ne leur laissa rien ignorer de ce qu'elle pensait d'eux. Comment! Avec un peu d'entraînement, je pouvais devenir champion de France, défendre victorieusement contre l'étranger les couleurs de mon pays, et l'entrée des courts m'était interdite pour une pâle et vulgaire question d'argent! Tout ce que ma mère tenait à dire à ces messieurs, c'est qu'ils n'avaient pas à cœur les intérêts de la patrie – elle tenait à le proclamer hautement, en tant que mère d'un Français – je n'étais pas encore naturalisé; à cette époque, mais ce n'était évidemment là qu'un détail trivial – et elle exigeait qu'on m'admît séance tenante sur les courts du Club. Je n'avais tenu que trois ou quatre fois une raquette de tennis à la main, et l'idée que l'un de ces messieurs pût soudain m'inviter à aller sur le court et à montrer ce que je savais faire me faisait frémir. Mais les deux personnalités distinguées que nous avions devant nous étaient trop étonnées pour songer à mes talents sportifs. Ce fut, je crois, M. Garibaldi qui eut à ce moment-là une idée fatale, destinée, dans son esprit, à calmer ma mère, mais qui mena au contraire à une scène dont le souvenir m'emplit d'ahurissement encore aujourd'hui."
La série : Culture tennis
1- Un éléphant ça trompe énormément, film de Yves Robert, 1976 : https://www.tennisactu.net/news-culture-tennis-le-tennis-au-cinema-selon-yves-robert-48842.html
2- "I feel like John McEnroe", Western sous la neige, Dinoysos, 2002 : https://www.tennisactu.net/news-culture-tennis-le-tennis-et-mcenroe-vus-par-dionysos-48853.html
3- "Hello", Martin Solevaag et Dragonette, 2010 : https://www.tennisactu.net/news-culture-tennis-de-l-electro-pop-et-djokovic-en-prime-48855.html
4-Extrait de La Promesse de l'Aube, Romain Gary, Paris, Gallimard, 1960