Le Mag - Éric Perussault... : de Henri Leconte à Contrexéville !

Lorsque l'ITF a annoncé que le tennis ne reprendrait pas avant le 13 juillet minimum, tous les suiveurs ont bien entendu pensé à l'annulation de Wimbledon et de l'intégralité de la saison sur gazon. Mais le circuit secondaire en a fait les frais, notamment le 100 000$ de Contrexéville. Toujours un moment important de l'année sur le circuit secondaire, le Grand Est Open 88, 3e tournoi féminin française sur terre battue après Roland-Garros et les Internationaux de Strasbourg, aurait dû avoir lieu du 5 au 12 juillet mais a finalement été annulé. Son créateur et patron, Éric Perussault, ancien coach d'Henri Leconte, est revenu sur l'annulation de l'édition 2020 de son tournoi, le 100 000$ de Contrexéville, au micro de Tennis Actu et a expliqué le fonctionnement associatif qui permet au tournoi de survivre. Une organisation qui permet à Contrexéville de déjà donner rendez-vous aux fans en 2021 mais aussi de rendre le tournoi si particulier sur le circuit. 

Vidéo - Eric Perussault, d'ancien coach d'Henri Leconte à Contrex...

 

Eric Perussault, j’imagine que vous ressentez de la déception même si la décision d’annuler le tournoi de Contrexéville 2020 était inévitable…

On savait que notre date n’était pas la bonne parce que le retour à la compétition était sans cesse reporté. On a de très bons rapports avec l’ITF, la Fédé et les agents de joueurs. Dès qu’on a su que le circuit était arrêté jusqu’au 13 juillet, on s’est dit « c’est râpé » et on a décidé d’annuler. Reporter… on n'est dans les Vosges pas à Marbella (rires). Le report a été balayé car pleins de tournois voulaient se mettre en septembre. Nous, on ne voyait pas l’intérêt et nos partenaires étaient d’accord.  

 

"Le seul tournoi à travailler dans un mode associatif"

Financièrement, quelles sont les conséquences de l’annulation de l’édition 2020 ?

On est le seul tournoi à travailler dans un mode associatif. L’argent qui arrive est redistribué. Nous n’avons que des bénévoles. Personne n’est salarié, même pas les juges de lignes. Donc nous sommes moins impactés que les sociétés qui ont des salariés. Biarritz par exemple c’est l'agence Quaterback donc c’est différent. Nous, nous sommes une association depuis 26 ans. Nous avons décidé de fonctionner comme ça pour organiser le tournoi. Il n’y a pas beaucoup de sociétés dans le coin donc automatiquement on s’est dit que l’on allait avoir un gros camembert de partenaires. On a 80 partenaires donc on est moins impacté que les tournois avec un gros partenaire. Ça nous a moins gênés que d’autres tournois. Tous nos partenaires nous ont dits « on se retrouve en 2021 ». En plus, on est dans une ville où il n’y a que ça, il n’y a pas d’autres évènements sportifs.

Toutes les entreprises sont impactées par la crise actuelle, avez-vous déjà des partenaires qui ont décidé de se retirer ou de diminuer les aides ?

Aucun ! Les sommes ne sont pas forcément importantes. Par rapport à d’autres tournois, c’est sûr que nous sommes moins impactés. Sur ce tournoi 2020, nous n’avons engagé aucune dépense. On garde un petit delta pour payer les factures et internet et c’est tout.

 

"Au départ, on nous a regardés avec un grand sourire"

Pouvez-vous nous parler de ce fonctionnement atypique en détail ?

Ma femme représente un peu le tournoi auprès de la Fédération. Les autres tournois nous disent que nous sommes vraiment à part. Nous, on ne pourrait pas payer les gens car nous n’avons pas de grands partenaires. Nous avons 120 bénévoles des clubs environnants. Au départ ce n’était pas facile, créer un tournoi de tennis dans les Vosges. On nous a regardés avec un grand sourire. On est monté petit à petit et maintenant nous sommes le 3^e tournoi féminin français sur terre battue. Le travail est réparti avec mon épouse dans l’association. On a une quinzaine de personnes qui sont plus dans la logistique. Nous, on gère pratiquement bénévolement ce tournoi à l’année.

Comment ce modèle vous est-il venu en tête ?

Si on remonte il y a très longtemps, j’étais bon joueur de tennis de seconde série. J’ai passé mon diplôme de prof en 1973. Comme mes parents avaient une maison proche de Contrexéville donc je venais jouer ici. Et le prof de tennis de Contrexéville c’était Patrice Hagelauer (Ndlr : ancien DTN et entraineur de Yannick Noah en 1983 lors de son sacre à Roland-Garros). A un moment donné, il est rentré à la Fédé il m’a dit « si tu veux l’été tu peux venir ». Les stages marchaient très bien. C’est là que j’ai connu Henri Leconte et je suis devenu son coach pendant 2 ans. Un jour, nous étions à Kitzbühel, le complexe ressemblait beaucoup à Contrexéville avec un chemin de fer au-dessus et donc je me suis dit pourquoi ne pas faire un tournoi à Contrexéville. Quand je suis rentré, j’ai essayé de réunir les forces vives et l’aventure a démarré comme ça. Les premières années, c’était un exhibition et ensuite on est passé sur le circuit masculin avec un Challenger à 75 000$. Comme notre principal sponsor est Nestlé, et qu'ici c'est l’eau de la femme, on m'a dit que pour le symbole ce serait mieux de passer à un tournoi féminin. Donc on a commencé comme ça. 50 000, 75 000 et aujourd’hui 100 000$.

Une reprise nationale ? "On pourrait organiser un CNGT haut-de gamme sans problème"

En tant qu’organisateur, comment voyez-vous le choix de Roland-Garros de s’être replacé très rapidement dans le calendrier ?

Sur le plan de l’éthique ça peut poser des questions. Mais sur le plan de ce que représente Roland-Garros pour le tennis Français c’est clair qu’il fallait faire quelque chose. Je pense que le président a pris le taureau par les cornes pour le replacer en septembre. C’était quelque chose d’obligatoire que Roland-Garros existe en 2020. Il y a le fond et la forme. La décision en elle-même tout le monde est d’accord.

Comment voyez-vous la suite pour le tennis ? Peut-on voir une année 2020 sans tennis ?

C’est possible. Le problème du tennis est simple. Il faut que tout le monde soit à l’unisson. Si en France il y a déconfinement mais qu’aux Etats-Unis c’est encore confiné, on ne peut pas jouer. Il faut que les conditions soient réunies pour que tout le monde puisse jouer. Si tous les pays font leur propre législation ce sera trop difficile. Si ça repart, qu’il y a un rebond et que les Etats-Unis ou l’Espagne ferment les frontières, comment vous faites Roland-Garros ? Le problème, c’est d’arriver au bon moment. Si tout le monde ne peut pas se déplacer, il y aura un manque d’équité. Autant un tournoi français on peut, mais un tournoi international ce n’est pas possible.

Et un retour à l’échelle nationale ?

Proposer des idées c’est déjà très bien ! Si au niveau national on peut sauver l’essentiel et que les joueurs jouent c’est super. Je soutiens toutes les nouvelles pratiques pour sortir de cette crise. Si on nous le demandait, peut-être qu’on aurait un rôle à jouer. On pourrait organiser un CNGT haut-de gamme sans problème. Sur terre battue extérieure, c’est aussi plus compliqué de trouver des dates.