Roland-Garros - Halep : "J'ai rêvé du trophée, il est à moi"

Comme elle l'a expliqué lors de son discours, Simona Halep se sent comme à la maison sur le court Philippe Chatrier. Et peut-être encore plus depuis cet après-midi. Après deux échecs à Roland-Garros (trois dans sa carrière) en 2014 et 2017, la numéro une mondiale est enfin sacrée en Grand Chelem. Et dire que celui-là, elle est allée le chercher, c'est bien peu. Menée une manche à rien et break face à une Sloane Stephens décomplexée et très juste, la Roumaine est peu à peu parvenue à renverser la vapeur pour forcer une troisième manche décisive, qu'elle finissait par survoler, déchainée. Score final 3-6, 6-4, 6-1. Plusieurs symboliques: un jeu extrêmement accroché à 3-0 dans le dernier set, pour passer à 4-0. Là où elle avait échoué face à Jelena Ostapenko l'année dernière, Simona Halep a tenu bon. Comme pour faire définitivement table rase du passé. Et puis, pour passer à 30-15 sur son dernier jeu, un ace. Son unique. Bref, ce samedi 9 juin, on peut assurer avec certitude qu'elle ne l'oubliera pas.

Vidéo - Roland-Garros - Halep : "Je rêvais de ce trophée"

Simona, au début de la semaine, on vous a demandé : « Si vous continuez à sourire, allez-vous pouvoir continuer à gagner ? ». Aujourd'hui, vous souriez et vous avez gagné Roland-Garros. Félicitations ! Pensez-vous que le fait de sourire vous a aidée à gagner Roland-Garros cette année ? Dites-nous brièvement quelles sont toutes les émotions que vous avez vécues, et ce que vous avez ressenti avec vos amis et votre famille.

C'est un moment fantastique. Si je ne souriais pas, je ne pourrais pas y arriver. C'est un moment particulier. J'en rêve depuis que j'ai commencé à jouer au tennis et mon premier Grand Chelem. J'avais dit que si j'en gagnais un, ce serait celui-ci. C'est réel, ça y est ! Ma famille m'a soutenue constamment depuis que j'ai continué à jouer au tennis, mes coaches, les gens avec qui j'ai travaillé depuis 20 ans. Je les remercie parce que c'est très difficile de continuer à travailler tous les jours, au plus haut niveau. Tous mes amis, tous les gens qui comptent particulièrement pour moi dans cette vie. Sans eux, il est probable que je n'aurais pas pu revenir après avoir perdu dans trois finales de Grand Chelem. Maintenant, je veux tout oublier et juste profiter pleinement de ce moment très spécial.

 

Je me souviens quand vous veniez dans cette salle toute triste…

Les choses ont changé.

 

Félicitations. Comment est-il possible qu'il y ait eu tellement de Roumains dans la foule ? Qui a acheté leurs billets ? (Rires)

J’ai peut-être acheté leurs billets par le passé, mais pas maintenant. Je suis vraiment contente qu'ils fassent cet énorme effort à chaque fois. C'est merveilleux de bénéficier de leur énergie. Les Français m'ont soutenue aussi. Cela a été une ambiance fantastique. Je remercie tout le monde.

 

Pouvez-vous parler de la balle de match, qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?

Au dernier jeu, à 5-0, je n'arrivais pas à respirer. Quand j'ai perdu le point, je me suis dit : « Allez ! J'en ai encore 4 ». J'ai dû jouer point par point et saisir ma chance. L'an dernier, j'étais un peu défensive quand je menais un match. Alors que maintenant, j'ai changé les choses. Je me suis rendue compte qu'il fallait que je bouge, que je vise la balle et que je ne change pas au dernier point, au dernier jeu. Chaque balle, chaque point compte.

 

Sur le court, au deuxième set, vous avez été breakée. Vous vous êtes dit : " C'est fichu." ?

Oui. Je me suis dit : « Oui, mais cela ne va pas arriver ». Ce n'est pas possible je vais continuer à jouer. Quand j'ai commencé à remporter des points, je me suis dit que j'avais vécu la même chose l'année dernière. J'avais perdu un set et j'étais breakée. Je me suis dit : « Je peux revenir. ». J'y ai cru et je me suis détendue dans mon jeu. J'ai réussi à faire davantage sur le court et à gagner.

 

Félicitations Simona. Vous avez dû venir ici, répondre à des questions, conférences de presse après conférences de presse. On vous demandait si vous alliez y arriver.

Oui, ça a été le plus dur.

 

En arrivant sur le court, quelle était la question la plus importante pour vous dans votre esprit ?

Avant le match, j'ai très bien dormi. J'ai pris un bon petit déjeuner. J'ai un peu mangé avant le match. Je me suis dit que c'était dans la ligne d'une journée normale. Je me suis dit qu'il fallait que je me calme, que je ne pense pas trop au trophée. Je savais que j'aurais une chance de gagner, qu'elle serait une adversaire difficile. J'étais prête pour un long match, pour trois sets, pour de longs échanges. Je ne voulais pas abandonner, même si elle menait. C'était le plus important, de rester concentrée et de ne pas abandonner.

 

Félicitations. Il y avait une ambiance fantastique sur le court, tout le monde criait : "Simona". Qu'est-ce que cela a représenté pour vous sur le court pendant le match ?

Cela donnait beaucoup d'énergie, les voix et le soutien positif de la foule, c'était fantastique. Je l'ai pris pour moi. J'ai ressenti que tout le monde était derrière moi, cela m'a rendue plus forte sur le court.

 

Félicitations pour cette victoire. Qu'est-ce qui vous satisfait le plus ? D'être numéro 1 ou de gagner le Grand Chelem ?

Je dirais que c'est un peu la même chose. Le fait d'avoir gagné un Grand Chelem plutôt qu'être la joueuse numéro 1 sans avoir de Grand Chelem à mon tableau n'est pas la même chose.

 

Était-ce important pour vous d'avoir Virginia Ruzici ? Cela comptait pour vous ?

Oui, elle est même là, dans la salle. Elle est une inspiration. Elle a gagné ici il y a 40 ans. Le fait d'avoir gagné cette année, c'est tout à fait spécial, le fait qu'elle soit là. Elle est une grande inspiration pour moi.

 

Peut-on parler du break 4-0 dans le troisième set où vous avez fait un revers smashé après avoir couru pour attraper un amorti ?

C'était probablement le point le plus important du troisième set. J’avais dans l’esprit pendant tout le match le matche de l'année dernière et celui de cette année ici. À quand 3-3 au troisième set, elle a tapé le filet et la balle est revenue sur mon court, je me suis dit que si j’arrivais à faire ce point le match serait pour moi. Après ça, j’ai eu confiance.

 

Pouvez-vous nous dire ce qui a changé tactiquement pour vous  au deuxième set ? Jusqu’à 2-0 on avait l’impression qu’elle ne faisait pas d'erreur et qu’ensuite vous mettiez davantage de hauteur et de profondeur à vos coups.

Oui, au début je frappais à plat. Elle jouait très haut. Les balles rebondissaient trop. Je n'arrivais à rien n'en faire. Je me suis dit qu'il fallait que je me calme, ouvrir le court, mettre davantage de balles à l'intérieur. À un moment, j'ai eu le sentiment qu'elle était plus fatiguée, qu’elle a raté davantage. J'ai été patiente. J'ai tapé plus haut et arrêté de rater les balles. C'est la meilleure chose que j'ai fait ces 2 semaines : arrêter de rater les balles ! Quelqu'un m'a dit : « Cours et ne rate pas les balles ». Effectivement, cela a marché.

 

D'autres ont gagné un Grand Chelem sans être numéro 1, mais vous êtes la première joueuse de cette catégorie à effectivement gagner le Grand Chelem alors que vous êtes toujours numéro 1. C’est très impressionnant. Comment empêchez-vous cette critique ou ce que disent les gens parce que vous avez semblé prendre cette position de numéro 1 comme quelque chose de positif, ce qui est différent des joueuses plus âgées.

J'étais numéro 1 l'année dernière, cela m'a donné confiance. Cela a été aussi un soulagement. J'avais quelque chose à portée de main, quelque chose d'énorme. J'avais dans mon esprit le fait que j'allais gagner un Grand Chelem. Le classement ne comptait plus. Être numéro 1 et gagner un Grand Chelem, je suis très heureuse et reconnaissante de tout ce que j'ai fait, de tout ce que les gens m'ont apporté, l'amour, l'affection, le soutien et l'énergie que mon équipe et mes amis me donnent à chaque tournoi.

 

Comment arrivez-vous à gérer notamment l'émotion de maintenant, le changement de surface rapide pour passer sur gazon ?

Ne posez pas la question maintenant, c'est encore loin.

 

Vous allez jouer à Wimbledon. Qu'allez-vous ressentir maintenant que vous avez réussi à être une championne de Grand Chelem ?

Rien ne change en fait. J'ai gagné un Grand Chelem mais demain est un nouveau jour. Il faut tout recommencer. La saison sur gazon arrive. Il me reste encore quelques tournois mais maintenant je suis au repos, je ne vais pas parler du prochain tournoi. Je vais profiter de cet instant.

 

Félicitations. Pouvez-vous nous dire ce que vous a dit Darren hier, ce matin et quand vous êtes sorti du court ?

Il m'a dit les années précédentes et la dernière fois qu’il fallait juste que je profite et que je joue le match. Cette fois-ci, il m'a dit : « Tu vas aller sur le court, tu vas y arriver et saisir le trophée. Ne laisse pas ton adversaire te donner le match, c'est toi qui vas le prendre ». Il m'a donné confiance en me disant qu'il fallait y aller et j'y suis allée. Cela a fonctionné, j'ai gagné.

 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce beau trophée ? Quand vous le touchez, que vous le regardez… Vous l'avez embrassé, qu'avez-vous ressenti ?

Je l'ai embrassé à de nombreuses reprises pour m'assurer qu'il restait dans mon cœur. Il est lourd, il est beau. J'avais plein de photos du trophée. Je rêvais de le tenir, c'est un moment spécial. Je suis heureuse qu'il soit à « moi ».

 

Vous avez dit à de nombreuses reprises que vous rêviez de cet instant. Pouvez-vous nous ramener dans votre enfance ? Quand avez-vous rêvé de cela ?

Honnêtement, quand j'avais 14 ans, j'ai décidé de me consacrer à ce sport et depuis lors, je rêve de cet instant. Je rêvais de gagner un Grand Chelem. Le moment le plus important, c'est quand j'ai gagné en junior. Je me suis dit que si je gagne un Grand Chelem en tennis professionnel, je voulais que ce soit le même. Je suis ravie de ne pas avoir gagné à Melbourne et d'avoir gagné ici, parce que c'est un tournoi particulier pour moi. C'est ma ville romantique préférée.

 

Après votre victoire, Twitter a explosé avec les fans, et pas que les Roumains. Des joueurs vous ont aussi félicité sur Twitter. Avez-vous eu des conversations ? Ils sont venus vous voir ces 12 derniers mois en vous disant : « On voit ce que tu essaies de faire, on te soutient », parce que cela comptait pour eux aussi votre percée ?

Je voudrais d'abord remercier Petra Kvitova qui m'a laissé un message et Irina Begu, des messages très sympas. Petra m'a envoyé quelques messages après ma défaite l'année dernière ici et à Melbourne. Elle m’a envoyé : « Tu verras, continue de travailler, ça va venir ». Je suis contente que les joueurs soient contents de ma victoire. Nous sommes un peu comme une famille ici. C'est une bonne chose qu’on se réjouisse pour les uns pour les autres. Le fait que j'ai pu gagner va peut-être aussi inspirer les enfants roumains, en leur montrant que c'est possible, même quand on vient d'un petit pays. Si on travaille dur, on peut y arriver.

 

Avant que Stewart ne vous remette sur les courts de gazon, qu’est-ce vous allez faire pour profiter de votre victoire ? Où et combien de temps allez-vous la fêter ?

Mes amis et ma famille s'en occupent. Je suis sûre que l'on va faire une grande fête.

 

Allez-vous maintenant acheter un appartement à Paris et vivre à Paris comme Virginia ?

On ne sait jamais ce que la vie vous réserve. Pour l’instant je vais rentrer à la maison et retrouver mes fans Roumains.