Roland-Garros - Marc Maury : "Clément-Santoro... 6h33 et un record !"
Par Aude MAZ le 25/05/2020 à 18:20
En cette deuxième quinzaine de mai, il règne - crise sanitaire oblige - une atmosphère bizarre autour du stade Roland-Garros. Une impression de vide absolu. Habituellement, le quartier est bouclé, l'effervescence est palpable, les vrais amateurs de tennis sont au bord des courts. L'édition 2020 des Internationaux de France devait se dérouler du 24 mai au 7 juin sous le soleil parisien. Pour tenter de combler ce vide, Tennis Actu décide de regarder "Dans le rétro de Marc Maury" pour vous présenter durant la quinzaine un évènement qui a marqué l'histoire du Grand Chelem français. Pour cette première chronique de la série "Roland-Garros - Dans le Rétro de Marc Maury", retour sur le jour, ou plutôt les jours où, Fabrice Santoro et Arnaud Clément ont battu le record du match le plus long à Roland-Garros.
Vidéo - Roland-Garros : Dans le rétro de Marc Maury... !
Un record et le match le plus long à Roland-Garros
6h33, c'est le temps qu'il a fallu à Fabrice Santoro pour se défaire d'Arnaud Clément au premier tour à Roland-Garros, lors d'un match commencé le 24 mai 2004 pour se terminer, le lendemain, le 25 mai. À l’époque, c’est un record absolu pour un match en Grand-Chelem avant d’être pulvérisé en 2010 par Wimbledon et les 11h05 de match entre Nicolas Mahut et John Isner. Mais ce premier tour 100% Tricolore est toujours en tête dans les annales du tournoi parisien et reste un record et le match le plus long de Roland-Garros. Et pourtant, les deux joueurs, qui ne s’appréciaient peut-être pas forcément, en raison de tensions en équipe de Coupe Davis, ne devaient pas avoir très envie de s’éterniser.
Sur le papier l’Aixois 33e mondial, huitième de finaliste en 2003 est favori face à "Battling Fab", 58e mondial, qui n’a plus vraiment brillé Porte d’Auteuil depuis un huitième, douze ans plus tôt, en 1991. Mais Clément sort d’une saison sur terre catastrophique, excepté une finale, sur ses terres à Aix-en-Provence, perdue face… à Fabrice Santoro.
Un début de rencontre poussif, mais déjà très accroché
Le début de match est mou, décevant, comme souvent dans les affrontements franco-français. Santoro est supérieur à Clément, en panne de confiance, qui ne parvient pas à rentrer dans la rencontre, éteint par le toucher de balle du vétéran français. Fabrice Santoro empoche les deux premières manches, mais les échanges durent déjà particulièrement longtemps. Les deux hommes se connaissent par coeur. Mais au mental, le plus expérimenté des deux fait la différence en début de partie et remporte les deux premiers sets sans trembler (6-4, 6-3). Vexé et piqué dans son orgueil, Arnaud Clément refuse de rendre les armes et de laisser la victoire à Santoro sans se battre jusqu'au bout. Comme nous le réserve souvent les scénarii des matchs au meilleur des trois sets, la rencontre s'inverse brutalement. Le match change complètement et Clément pousse Santoro à la faute après des échanges toujours très longs, voire interminables. L'Aixois arrache la troisième manche au tie-break et relance la partie. Le soleil se couche, le ciel s'assombrit, mais les deux hommes galopent toujours, refusant de céder. Clément domine la partie, mais la nuit tombe et la rencontre est interrompue dans le quatrième set. L'horloge indique déjà 4h39 de jeu.
Un cinquième set de 30 jeux, complètement fou
De retour sur le Court Suzanne-Lenglen le lendemain matin, les deux joueurs ne s'attendent certainement pas à ce qui va suivre. Très souvent, ces reprises de match tournent court, un joueur étant mieux réveillé que l'autre. Comme prévu, Clément boucle le quatrième set et la cinquième manche, que tout le monde attendait, se profile enfin à l'horizon. Sauf que ce set à lui seul va s'éterniser. Dans une manche complètement folle, où les deux hommes se battent pour ne pas lâcher leur mise en jeu malgré la fatigue, les breaks se font très rares et les deux hommes poussent le spectacle au-delà du traditionnel 6-6. À bout physiquement, les deux joueurs n'ont plus la force de frapper et les échanges sont de plus en plus lents. Clément semble un petit peu mieux et se procure deux balles de match. Toutes effacées par un Santoro, valeureux en défense, comme à son habitude. À 15-14, Santoro sert pour le match, mais se retrouve rapidement mené 0-40. Mais cela ne suffit pas à abattre « Battling Fab » qui se rebelle et efface les trois balles de break. Le vétéran français, une fois n’est pas coutume, frappe un ace pour s’offrir une première balle de match. Clément tente une montée à la volée, mais Santoro arme un magnifique passing de revers long de ligne qui laisse l'Aixois pantois.
"Ma plus grande fierté, c'est d'avoir tenu 6 h 33, à mon âge..."
Le match est enfin terminé après 6h33 de combat : 6-4, 6-3, 6-7, 3-6, 16-14. Le vainqueur tombe au sol, comme s'il avait remporté le tournoi, le public du Suzanne-Lenglen se lève, ému et admiratif. Clément, amer, quitte le court rapidement, mais en saluant chaleureusement le public. Quant à Santoro, il s'effondre sur sa chaise et fond en larmes. La pression retombe. En conférence de presse Fabulous Fab lucide, avait déclaré: "C'est difficile de parler d'expérience… Ça se joue avant tout à la volonté et à la... réussite... Ma plus grande fierté, c'est d'avoir tenu 6 h 33, à mon âge, contre un monstre physique comme Arnaud. Maintenant, pour la suite, on verra au réveil..." Epuisé, le Français reviendra sur le terrain le lendemain et sortira vainqueur d'un nouveau marathon de cinq sets face à Irakli Labadze, avant de tomber au troisième tour contre le surprenant Olivier Mutis, tombeur au deuxième tour d'Andy Roddick, alors n°2 mondial. Pour Arnaud Clément, la défaite fut dure à avaler, et il avait déclaré à la sortie du court : "Je m'en fous de ce record. Ca ne compte pas quand on joue sur deux jours. Et puis, on gagne quoi, une médaille ?" Ambiance ! Néanmoins, seize ans plus tard, ce match est toujours dans les esprits.