Rolex Paris Masters - Gilles Simon: "Ça n'est pas équitable pour tous"

Les analyses de Gilles Simon sont toujours fines et très attendues par les fans. Après sa défaite au 1er tour du Rolex Paris Masters contre Tommy Paul 3-6, 6-3, 6-3, le Niçois a évoqué la situation actuelle du tennis mondial et ne s'est pas privé de dénoncer l'injustice du système de points selon lui. 

Vidéo - Gilles Simon évoque le système de points de l'ATP

 

Le tableau du Rolex Paris Masters ICI

 

"Est-ce qu'ils avaient besoin de donner des points ATP pour le Masters"

Avec le classement gelé, les joueurs du top 30 ont pu accéder à tous les tableaux des principaux tournois depuis le restart. Mais pour Gilles Simon situé au-delà de la 50e place, la reprise a été compliquée puisqu'il a fallu passer par les qualifs de la plupart des tournois majeurs et donc n'a pa pu grimper au classement. Une injustice pour les membres entre la 35 et la 60e place dénoncée par le Français : "L'ATP, à ce niveau, le Masters c'est très important pour eux. Est-ce qu'ils avaient besoin de donner des points ATP ou non pour l'organiser ? Je crois qu'ils n'étaient pas obligés, mais le fait est qu'ils ont estimé que le Masters est quelque chose de très important pour eux financièrement, pour la structure. Est-ce que c'est le point central qui fait que du coup il y a un Masters, du coup il faut donner des points, du coup il faut faire une race, etc., et après tu gères avec cela. Je ne suis pas dans le cercle des décisions", a-t-il d'abord expliqué. 

 

"Quand tu arrives à Rome et qu'on te dit : c'est 3 tours de qualification, c'est dur"

Avant de poursuivre : "Mon point de vue depuis le début, c'est juste de dire que dans le tennis, c’est très important, on a toujours fait attention dans le classement que des joueurs puissent monter et des joueurs puissent descendre, qu'il n'y ait pas de protection, etc., et là c’est dans les faits, c'est ce que j'avais expliqué, quand tu avais jusqu'à Roland un tournoi par semaine, que ce soit Rome ou Hambourg, ou autres, et qu'à chaque fois le cut c'est le trentième, il y a ceux qui le jouent et ceux qui ne peuvent pas jouer. Ceux qui sont en challengeurs pouvaient bouger entre 150, 80, mais moi j'étais 50 ou 60, en challengeur, tu as beau le gagner, tu gagnes 2 places. Quand tu arrives à Rome et qu'on te dit : c'est 3 tours de qualification, c'est dur. C'est 3 tours plus un tour pour améliorer ton score"

 

"J'aurais aimé qu'on dise qu’il n’y a pas de points et on organise les tournois qui veulent s'organiser"

"Dans l'absolu, à mon classement, jouer ? Oui, je suis content de jouer, mais pas l'opération du siècle non plus. Je trouve que ce n'était pas une situation équitable pour tous les joueurs et c'est juste dans ma philosophie : comme ce n'est pas équitable pour tous les joueurs, j'aurais aimé qu'on dise qu’il n’y a pas de points et on organise les tournois qui veulent s'organiser ; les Grands Chelems et autres, ils se seraient joués quand même. C'était mon avis. Cela n'engage que moi", a-t-il conclu. 

C'est fini pour Gillou... Simon subit la loi de l'Américain Paul en trois sets (3-6, 6-3, 6-3) #RolexParisMasters #HomeOfTennis pic.twitter.com/lpswm1saSC

— Eurosport France (@Eurosport_FR) November 3, 2020

 

Est-ce que c'était de la tension ou un souci physique ? Tu avais beaucoup de mal sur les lancer de balles en début de match déjà ? Est-ce qu'il y avait beaucoup de tension ou était-ce un souci ?

Non, non. Beaucoup de tension, oui. Très tendu aujourd'hui. Je n'ai jamais réussi à me relâcher et en particulier, j'étais en grande difficulté côté revers, alors que côté revers, j'étais très, très stable ces derniers temps ce qui me permettait toujours de construire là-dessus. Aujourd'hui, j'avais mon timing qui était off complet de ce côté, du début à la fin. Et à aucun moment je n'ai pu trouver un peu de rythme dans le match. Ce n'était vraiment pas un match agréable à jouer aujourd'hui.

 

Il y a quand même pas mal de regrets parce qu'il y a 3-0, au troisième ; tu te prends 6 jeux d'affilée, il y a une frustration. Tu semblais au bord de l'explosion quand même.

En fait, le problème au troisième c'est que je n'ai pas fait les efforts avant et c'est vrai que tout de suite, je suis mal parti. Au niveau du jeu, je ne me sentais pas bien du tout, je n'arrivais pas à trouver mes frappes, je n’arrivais pas à allonger mes bras en revers ; c'était vraiment très laborieux. Je me fais breaker d’entrée, je ne suis pas loin de me faire double breaker et je passe déjà en mode sur vie à 2-0. Au premier, je suis déjà en mode « Je n'y arrive pas ». Je cours, je me bats, j'ai le cœur qui bat fort parce que lié aussi à la tension et, finalement, j'ai le score qui vient pour moi. J'essaie de garder cela mais quand j'arrive au troisième et que je mène 3-0, je sais très bien que je joue très mal au tennis encore. Je sais très bien que, lui, il jouait de mieux en mieux, il a eu un petit trou au début du troisième. Après j'espère tenir le score et pouvoir l'amener jusqu'au bout, mais c'est le gros problème, c'est-à-dire que lui, dans son jeu, il a commencé à déverrouiller pas mal de choses et moi aucune. Lui il a joué de mieux en mieux, au fur et à mesure du match et pas moi.

 

Quel bilan tires-tu de cette saison si particulière ? Est-ce qu'on arrive à garder la motivation justement pour en démarrer une nouvelle, sachant que les conditions risquent d'être malheureusement encore les mêmes ? Comment envisages-tu tout cela ?

Là, tout de suite, je viens de perdre il y a 15 minutes... La motivation n'est pas là, surtout avec le côté très incertain de la situation, notamment sur le début d'année, l'Australie et tout ça. Quand tu ne sais pas du tout comment cela va se passer, quelles vont être les règles de confinement là-bas, est-ce que cela va vraiment valoir le coup d'y aller ? Pour l'instant, ce n'est pas simple, il y a beaucoup de choses à régler. Je crois qu'on était dans une phase où on avait quand même aussi tous envie de rejouer. Même au niveau des joueurs, il y a pas mal de concessions qui ont été faites à différents niveaux pour jouer. Et puis, je ne sais pas... Je ne vais parler que pour moi : c'est devenu dur sur la fin. J'ai voulu jouer beaucoup de tournois, j'ai certainement joué beaucoup trop de tournois de toute manière aussi, mais on est quand même dans une compétition. A un moment, tu as un classement, il y a des points qui sont attribués partout, certains qui peuvent jouer ; tu n'as pas beaucoup d'occasions de jouer et je pense que c'est aussi une des raisons pour lesquelles j’étais très tendu aujourd'hui ; finalement, les chances d'améliorer ton score, il n'y en a pas tant que cela, quand j'étais à mon classement. On verra bien ce que cela va donner pour l'Australie, quelles vont être les règles. Là je viens à peine de finir, donc l'Australie, je ne m'y projette pas tout de suite.

 

Guy nous disait en conférence, dimanche, que pour équilibrer un peu les comptes du tournoi, il y a eu des aides de l'ATP, d'autres Masters 1000. Est-ce que pour 2021 on a l'impression que cela va être encore plus dur pour certains tournois, il y a des inquiétudes de la part des joueurs, de ta part, par rapport justement à ce qu'il y ait des tournois qui ne puissent pas se dérouler de façon plus importante ?

J'ai un point de vue différent sur la situation depuis le début. Pour moi, je vois les choses simplement : si les tournois peuvent avoir lieu dans des bonnes conditions et que cela marche, on joue, sinon on ne joue pas. Le gros problème et le point central de cette discussion, cela reste les points ATP parce que, normalement, tu distribues des points ATP quand tu as une distribution qui est équitable, en tout cas à tous les niveaux du classement, pour permettre aux joueurs de monter, descendre, etc. Là, dans les faits, jamais le Top 30 n'a été autant avantagé dans l'histoire du tennis, depuis la reprise. Ils ont pu jouer des tournois avec des prize money normaux, ils ont pu jouer des tournois où ils jouaient pour 45 points, 90 points à chaque fois ; ce n'étaient que des tournois bonus pour améliorer et jamais de tournois ont été aussi (coupure de son)… cinquantième, j'étais dans les qualifications partout ; on a des tableaux de qualifications où c'était très dur. Pour améliorer ton score, il faut que tu passes 4 tours. Du coup, tu es en qualifications, les prize money ne sont pas les mêmes, il y a eu de grosses réductions de prize money sur les 250, ce ne sont pas les mêmes. J’ai dû faire des choix, même à Cologne : à un moment donné, tu ne peux pas venir avec ton coach, ton kiné chaque semaine, quand tu es déficitaire semaine après semaine en tant que joueur. C’est pour cela que je disais que les joueurs ont fait de grosses concessions aussi. Dans cette période, les tournois sont en difficulté, et je l'entends très bien et c'est normal, ce n'est pas la logique, mais la seule chose c'est que dans ce cas, si tout le monde y perd… On joue mais est-ce que c'est si bien de jouer ? Est-ce qu'il faut absolument jouer ? C'était cela la question de base. La réponse a été : oui, il faut jouer partout, remettre le circuit en route et jouer, avec ces conditions, mais je ne suis pas très à l'aise avec la situation.

 

Comme vous avez dû vous croiser à l'hôtel, je voulais savoir si Richard a reçu « Ce sport qui rend fou » dédicacé ?

Non, je ne les ai pas sur moi, je n'ai pas non plus ouvert un stand sur le tournoi. J’en ai quelques-uns à la maison... Non, je ne les ai pas sur moi. Je ne sais même pas si ça l'intéresse tant que cela. Il ne va rien apprendre, il me connaît Richard.

 

Je rebondissais sur ce que tu disais sur les points ATP et c'est vrai que cela a été imposé comme cela, mais il y a un truc qui est choquant aussi, j'ai lu un Tweet d'un confrère italien qui disait que Berrettini pouvait très bien aller aux Masters en ayant gagné peut-être 10 matchs dans l'année, ce qui paraît totalement dingue. On a l’impression qu'il n'y a pas eu de remise en question et qu’ils auraient peut-être pu faire en double, accorder une place aux meilleurs joueurs de l'année 2020. Cela n'a pas du tout été le cas. Il y a une protection assez incroyable pour les meilleurs. Je te rejoins sur ce point.

Le problème c'est que chacun a ses priorités et c'est normal et, honnêtement, la priorité pour mettre un nom dessus, elle est financière à tous les niveaux et pour tout le monde. Tu sais que l'USTA devait organiser son tournoi parce qu’ils ont besoin des revenus de l’US Open ; tu sais que Roland-Garros doit organiser le tournoi parce qu'ils ont besoin des revenus de Roland-Garros, etc. Et tu as ceux qui n'avaient pas besoin parce qu'ils avaient une assurance et ils te disent : nous c'est bon, on a une assurance. Dans ce cas, tu n'es pas dans la même logique. Et l'ATP, à ce niveau, le Masters c'est très important pour eux. Est-ce qu'ils avaient besoin de donner des points ATP ou non pour l'organiser ? Je crois qu'ils n'étaient pas obligés, mais le fait est qu'ils ont estimé que le Masters est quelque chose de très important pour eux financièrement, pour la structure. Est-ce que c'est le point central qui fait que du coup il y a un Masters, du coup il faut donner des points, du coup il faut faire une race, etc., et après tu gères avec cela. Je ne suis pas dans le cercle des décisions. Mon point de vue depuis le début, c'est juste de dire que dans le tennis, c’est très important, on a toujours fait attention dans le classement que des joueurs puissent monter et des joueurs puissent descendre, qu'il n'y ait pas de protection, etc., et là c’est dans les faits, c'est ce que j'avais expliqué, quand tu avais jusqu'à Roland un tournoi par semaine, que ce soit Rome ou Hambourg, ou autres, et qu'à chaque fois le cut c'est le trentième, il y a ceux qui le jouent et ceux qui ne peuvent pas jouer. Ceux qui sont en challengeurs pouvaient bouger entre 150, 80, mais moi j'étais 50 ou 60, en challengeur, tu as beau le gagner, tu gagnes 2 places. Quand tu arrives à Rome et qu'on te dit : c'est 3 tours de qualification, c'est dur. C'est 3 trous plus un tour pour améliorer ton score.

Dans l'absolu, à mon classement, jouer ? Oui, je suis content de jouer, mais pas l'opération du siècle non plus. Je trouve que ce n'était pas une situation équitable pour tous les joueurs et c'est juste dans ma philosophie : comme ce n'est pas équitable pour tous les joueurs, j'aurais aimé qu'on dise qu’il n’y a pas de points et on organise les tournois qui veulent s'organiser ; les Grands Chelems et autres, ils se seraient joués quand même. C'était mon avis. Cela n'engage que moi.

 

Deux questions. Ugo Humbert qui va bientôt jouer et comme vous vous en êtes entraînés tous les deux ensemble, comment tu sens son jeu ces temps-ci ?

Deuxième question, lors d'un entraînement avec un anglophone, tu disais : c'est peut-être plus difficile de garder sa concentration quand il n'y a personne parce que le moindre bruit gêne. Je crois que tu as demandé à tout le monde « asseyez-vous ! ». Est-ce que tu peux nous parler de cette sensation du stade vide et de la gêne ?

On va commencer par Ugo. Il joue très bien, il a des résultats qui sont très constants. Il a juste eu un match très difficile à Roland face à Polmans, je l'ai regardé d’ailleurs, et dans des conditions particulières aussi, puisqu'il a joué dans la boue ; il faisait froid, il bruinait, c'était dur. C'est un joueur qui aime bien percuter et ce jour-là, c'était un peu compliqué. Sinon, il joue bien et là il est en confiance. Les matchs tournent beaucoup pour lui en ce moment, ce n'est pas non plus comme s'il découpait tout le monde, mais il fait ce qu'il faut dans les moments importants, etc. Il a la confiance de son côté et c'est important dans ces cas de continuer à gagner et à entretenir ce truc-là.

Pour les conditions, c'est toujours un peu particulier au tennis. Cela me rappelle des discussions que j'avais avec des (coupure de son) : « Chaque fois qu'il y a un bruit, vous chialez alors que nous, on joue, il y a la fanfare derrière », etc. Je leur disais : « Si tu avais un lancer franc, est-ce que tu préfères avoir du bruit en permanence, que le téléphone sonne juste au moment de ton lancer franc, est-ce que cela ne te gênerait pas plus finalement ? ». C'est un peu dans cette idée : c'est vrai qu'il n'y a pas un bruit, mais le bruit tu l'entends ; le moindre truc qui claque, finalement, ce n'est pas plus simple de se concentrer.