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Franck Paque : "On a déjà réussi un exploit au TC Boulogne-sur-Mer"

INTERVIEW
Mis à jour le par Alexandre HERCHEUX

Au micro de Tennis Actu... Franck Paque est un président heureux ! Il le sera peut-être plus encore ce samedi 6 décembre à Grenoble... Son club, le TC Boulogne-sur-Mer, est tout proche du Graal : le titre de champion de France par équipes. Le club Nordiste, qui a dû faire face aux blessures, n'a jamais été en tête de poule. C'est seulement à la dernière journée que Titouan Droguet et ses copains ont coiffé Annecy-le-Vieux au poteau. L'histoire est fantastique pour le TC Boulogne-sur-Mer, qui évoluait encore en Pro B l'an passé et qui ne compte que sur des joueurs français. Le groupe de copains convoitera le titre dimanche à Grenoble contre le CT Clermontois de Kyrian Jacquet et Dan Added. Pour Tennis Actu, Franck Paque est revenu sur cette saison de Pro A, sur la gestion de sa "bande de potes" et sur le rêve de titre de Champion de France. INTERVIEW. "C’est vrai que l’histoire est magnifique..."

 

"On a un groupe de jeunes qui vit extrêmement bien. C’est un groupe qu’on prépare depuis très longtemps maintenant"

Alors Franck Paque, votre club, le TC Boulogne-sur-Mer, a arraché sa place en finale des championnats de France par équipes. L’an passé, vous étiez en Pro B, vous montez, et là, on touche au but finalement. L’histoire est magnifique.

C’est vrai que l’histoire est magnifique, parce que l’année dernière, avec notre montée en Pro B, on avait quand même des ambitions affirmées dès cette année. Malgré tout, le championnat est extrêmement relevé. On le voit, chaque équipe a des compétiteurs de très haut niveau et donc il fallait aborder ça match après match. C’est ce qu’on a fait. On a un groupe de jeunes qui vit extrêmement bien. C’est un groupe qu’on prépare depuis très longtemps maintenant. Et je pense que cette victoire, samedi, a été extraordinaire (5-1 à Bressuire). On ne l’attendait pas, finalement, parce qu’on dépendait des autres, on n’avait pas notre destin entre nos mains. Et le fait d’aller chercher cette victoire comme ça, sur le dernier match, a été quelque chose d’extraordinaire à vivre.

 

"On revient finalement de nulle part"

Est-ce que finalement, vous y avez cru constamment en cette saison, ou il y a eu quand même des doutes ? Parce que Annecy était bien parti. On se disait que finalement, la balle était dans leur camp, et vous, vous revenez à la dernière seconde, de nulle part.

On revient finalement de nulle part, parce que c’est vrai que Annecy, c’est une très belle équipe aussi, une équipe de copains. On est allés jouer chez eux. Ça a été un match très compliqué, surtout pour nous, parce qu’on a quand même eu trois balles d’égalisation de la rencontre, de partage des points, qu’on n’a pas réussi à aller chercher. On perd finalement à la fin 4-2. Donc c’est vrai qu’on est sortis de ce match un petit peu amers. Mais on a vu tout de suite que l’équipe s’est remobilisée : on avait un capitaine, Arnaud Frey, qui tout de suite a dit : « Les gars, notre objectif reste le même, on doit aller chercher la finale, il faut rester concentrés. »

Ça a été son premier propos dans les vestiaires, et je pense que ces propos ont été très judicieux et très importants puisque le groupe est resté concentré. Derrière, on bat le TCBB chez nous ; ça a aussi été un match très compliqué, très dur, jusqu’au bout avec les doubles. On gagne 4-2, et là on s’est dit que tout était possible. Après, ne pas avoir son destin en main, c’était attendre et suivre les résultats du TCBB. Lorsqu’on a vu qu’à l’issue des simples, ils menaient 3–1, on s’est dit quand même : c’est pas mal.

 

"On était très concentrés sur notre téléphone en même temps que sur nos propres rencontres"

Alors c’est vrai que quand on a vu aussi la composition des doubles, on s’est dit : « Waouh, ça peut aussi vite être compliqué. » On a suivi ça de très près ; moi, je suivais ça en même temps que nos matchs, on était très concentrés sur notre téléphone en même temps que sur nos propres rencontres. Et finalement, Annecy se retrouve, dans le dernier double, à 8–7, avec deux services et ils perdent. Je peux vous dire que j’ai une vidéo où on me filmait : j’étais heureux, incroyable, parce que là, ça y est, je savais qu’on tenait la finale. Même si nos deux doubles n’étaient pas finis, je savais qu’on allait faire le job et qu’on allait aller en finale. Ça a été un moment intense et incroyable pour nous, ce samedi.

 

"On nous a comparés un peu au Real Madrid, mais pas du tout..."

 Vous, maintenant, on sait que vous êtes acteur dans le tennis, vous suivez énormément ce qui se passe sur le circuit. Est-ce que vous seriez d’accord pour dire qu’il n’y a que les interclubs pour donner ce genre d’émotions dans le tennis, que c’est vraiment particulier ?

Alors c’est vrai que le tennis, c’est un sport un peu solitaire, tout le monde le dit. Mais moi je vois que nos jeunes, sur les matchs interclubs, sont contents de se retrouver tous ensemble, comme une famille. Et vous avez, en plus, la possibilité de suivre notre épopée via Tennis Legend : vous avez vu que ce sont des vidéos qui sont sur YouTube aujourd’hui et qui font énormément de vues. Je pense que c’est un format exceptionnel : on vit avec l’équipe en inside et c’est extraordinaire. On vit des moments… sincèrement, moi j’ai beaucoup de chance d’avoir ce groupe. C’est plus qu’un groupe, je pense que c’est une famille. C’est un peu ça, notre force.

Oui, pour nous, ça a été un peu compliqué parce que tout le monde sait qu’il y a eu des blessures – il y en a encore d’ailleurs – mais malgré tout, nos jeunes ont été présents. Ils ont répondu à chaque rencontre et c’est ça, toute la force de notre équipe. On n’est peut-être pas, sur le papier, les plus forts, parce qu’on nous a comparés un peu au Real Madrid, mais pas du tout ; il faut regarder un petit peu ce qui se fait ailleurs. Quand on voit par exemple l’équipe de Clermont, avec un joueur comme Dzumhur et des étrangers de très haut niveau, on peut se dire que ce sont aussi de très fortes équipes. Donc quelque part, je suis fier d’avoir monté cette équipe de Français, parce que c’était l’objectif : les interclubs, ce sont des championnats de France par équipes. Pour moi, c’était important de monter une équipe avec des jeunes Français ; c’est ce qu’on a fait avec le capitaine Arnaud. Et je pense qu’aujourd’hui, on a un groupe homogène, un groupe heureux, et on est hyper heureux de ce qu’on vit.

 

"J’ai constaté une ferveur dans notre club, et ça va plus loin : les gens se sont déplacés"

On sait que vous faites des investissements, mais finalement là, pour le coup, remporter un titre en interclubs, ça a un impact énorme et c’est bien plus qu’une simple victoire de cinq joueurs un samedi.

Oui, c’est sûr que nous, ce qu’on voulait, c’était d’abord avoir un bon groupe, former une belle équipe avec des gens qui s’y sentent bien. Et on sait que derrière tout ça, les résultats vont arriver. On l’a vu. On a vu les deux équipes qui étaient un peu derrière : Annecy, par exemple. Annecy, c’est exactement la même philosophie que nous : ce sont des potes, après les matchs ils boivent une petite bière ensemble, ils partagent avec le public. C’est nous. Ma plus grande fierté cette année, si je peux dire, c’est qu’on a eu plus de 1500 personnes dans notre club lors de la première rencontre. C’est exceptionnel. On a accueilli le champion de France en titre, Quimperlé, et ça a été une fête du tennis.

D’ailleurs, même le juge-arbitre me dit : « Monsieur Paque, moi, je n’ai jamais vu ça, je n’ai jamais vu ça. » Ça a été quelque chose d’incroyable. Déjà, nous, on était hyper contents de finir dans les trois premiers, ce qui nous permettait de recevoir trois fois l’année prochaine, parce que je pense que c’est important aussi de pouvoir le faire. Mais j’ai constaté une ferveur dans notre club, et ça va plus loin : les gens se sont déplacés. Il faut savoir qu’à Bressuire, il y avait 30–40 Boulonnais, qui étaient organisés avec les tambours, les trompettes, pour soutenir l’équipe. Ça me fait très, très plaisir de voir ces jeunes qui s’identifient à nos champions. Quand je vois aussi un Arthur Cazaux qui n’a pas joué, qui a fait le déplacement, qui est parti un mardi de chez lui, à Montpellier, 14 heures pour venir nous soutenir, et repartir le jeudi sans jouer, je trouve ça exceptionnel. Voilà, c’est l’état d’esprit de notre groupe, l’état d’esprit de notre équipe, et ça, franchement, ça n’a pas de prix.

 

"On parlait des blessures, mais il faut aussi parler des vacances : ils ont besoin de repos, et ce repos est tellement important"

Vous avez expliqué que vous vouliez créer une équipe de potes. Est-ce que c’est difficile, aujourd’hui, de gérer une équipe de Pro A ? Est-ce que vous pouvez nous parler, nous éclairer un petit peu sur les difficultés pour aligner une équipe? On pense, par exemple, au TCBB qui a régulièrement des absents ; certains étaient bloqués au Final 8, alors que sur le papier, leur équipe, c’était une vraie armada.

Il faut avoir un groupe homogène. Nous, tout le monde le sait, ce n’est pas un secret : malheureusement, on a deux de nos meilleurs joueurs blessés. À partir du moment où ils sont blessés, ils ne vont pas jouer, on le sait, parce qu’il ne faut pas oublier que la santé de chaque joueur est très importante. Pour eux, ce qui compte aussi, c’est le circuit international, qui est la base de leur carrière. Donc c’est sûr que les interclubs, quelque part, je ne dis pas que ça vient en second, parce que mes joueurs sont très motivés, ils ont envie de venir, ils ont envie d’être là, ils l’ont prouvé. Mais c’est une difficulté majeure, dans le sens où la saison est très longue.

On parlait des blessures, mais il faut aussi parler des vacances : ils ont besoin de repos, et ce repos est tellement important. Je pense que chaque équipe est confrontée à la difficulté de pouvoir aligner une équipe sur le papier. La preuve, c’est que nous, sur le dernier match à Bressuire, Hugo Nys – qui est un formidable garçon et un excellent joueur de double, on l’a fait jouer en simple. On a dû le faire jouer en simple, en simple 4. Il s’est pas mal débrouillé, parce qu’il n’était pas loin d’aller chercher le premier set. Mais c’est pour vous dire toute la difficulté, pour un entraîneur et pour un président, de pouvoir mettre une équipe. Aujourd’hui, pour vous dire, on est encore en train de réfléchir avec le capitaine. Pour l’instant, on a encore énormément d’incertitudes par rapport à notre équipe (de samedi en finale)

 

"C’est vraiment ce que je retiendrai de cette campagne : on a un groupe exceptionnel, avec des gens hyper investis"

Et ces incertitudes, justement, est-ce que ce sont des problèmes qu’on ne peut pas éviter – les blessures, la gestion des calendriers ? Est-ce que parfois on a l’impression que les joueurs ne sont pas aussi investis qu’on aimerait ? Est-ce que ça peut être frustrant ?

Alors moi, je vais vous dire : chez nous, ça n’existe pas. Tous les joueurs sont investis. On a un groupe WhatsApp, je peux vous dire qu’il vit d’une façon incroyable, déjà depuis longtemps avant les interclubs. Tous les joueurs sont investis. D’ailleurs, il y aura des joueurs qui ne pourront pas prendre part à la finale, mais ils seront là. Ils seront là samedi, avec nous, pour nous soutenir, parce que pour eux c’est important, c’est leur philosophie de vie. Ils sont très tristes de ne pas pouvoir jouer, ça c’est clair et net, mais ils seront là pour nous soutenir. Ça prouve à quel point ce moment où on se retrouve tous, où on passe des moments d’équipe, est important. Ils nous le disent, on en discute avec eux.

C’est vraiment ce que je retiendrai de cette campagne : on a un groupe exceptionnel, avec des gens hyper investis. C’est le plus important pour moi, c’est ce que je voulais. Vous voyez, il y a eu des matchs à Boulogne et les joueurs se sont investis avec nos jeunes, pour jouer avec eux pendant les matchs, après les matchs. On avait un village partenaires où ils ont passé du temps. Ils savent qu’ils sont issus aussi d’un club. Ils sont heureux de porter les couleurs de Boulogne-sur-Mer. Avec cette équipe, on peut dire qu’on a une équipe quand même de jeunes. On a réussi un exploit : au minimum, on est vice-champions de France.

Ça, c’est déjà quelque chose d’extraordinaire pour nous, pour une première, parce que c’est une première année. J’entendais le président de Clermont qui disait que depuis 2019, il essayait d’aller en finale. Pour moi, c’est déjà une très belle réussite. Mais sachez que, de toute façon, moi j’ai confiance en mon groupe, j’ai confiance aux gens qui seront sur le terrain. Ils ont la grinta, ils vont aller chercher les matchs à l’envie. Et, à la fin, je le dis, tout le monde en tennis sait très bien que tout le monde peut battre n’importe qui. Donc ils peuvent nous aligner, clairement, toutes les équipes qu’ils veulent : nous, on sera là, on sera sur le terrain. Même si peut-être nos joueurs, au classement, sont inférieurs, ils seront là, ils vont se battre et je pense qu’on peut aller chercher le titre, bien évidemment.

 

"La bande de copains, c’est ça notre force"

Vous avez commencé à répondre à ma dernière question : je voulais qu’on termine sur la finale à venir. Vous avez parlé du sportif, mais on peut aussi dire que c’est une belle fête. J’imagine que vos supporters ont prévu des déplacements ; vous avez déjà entendu un petit peu comment ça allait se passer ?

Oui, alors c’est vrai que de Grenoble à Boulogne-sur-Mer, ce n’est pas la porte à côté, mais je sais qu’il y aura beaucoup de supporters. On le sait déjà : il y aura au moins une cinquantaine de Boulonnais, voire un peu plus, donc c’est déjà une grande satisfaction. Je milite pour mettre en avant cette belle organisation, ces beaux interclubs, parce qu’en France, quand vous regardez la France du tennis, ce sont des interclubs qui se jouent tous les dimanches, que ce soit en hiver ou en été. C’est très important de le rappeler aux gens. C’est une magnifique compétition. Franchement, je découvre la France du tennis, ces clubs, ces présidents investis, et ce sont aussi des moments d’échanges pour voir ce qui se fait ailleurs, et ça, c’est très important. On a la particularité d’effectuer ce championnat très rapidement, pratiquement en quinze jours, et avec la finale ça fera trois semaines. Je trouve que ces championnats-là ont vraiment une place au sein de notre fédération, une place importante dans le giron du tennis.

Je vois qu’il y a beaucoup de gens, avec les milliers de messages que je reçois, qui nous suivent, qui sont derrière nous. C’est pour ça que, quelque part, on a accepté que Tennis Legend nous suive, parce qu’on trouvait que c’était important que les gens qui ne peuvent pas venir nous voir, ou qui veulent s’intéresser à nous, puissent nous suivre de l’intérieur et voir que notre groupe est extraordinaire, qu’il vit très bien et qu’il rigole tout le temps. On est contents de se retrouver parce qu’on s’aime d’abord et qu’on a envie de créer des émotions ensemble, de se créer des souvenirs ensemble. On a envie de partager ça, et c’est quelque chose d’unique.

 

"La Coupe Davis, les matchs par équipes sont là pour dire que le tennis, c’est aussi un sport d’équipe"

Moi, je suis vraiment le premier convaincu pour dire : ces interclubs, n’hésitez pas à venir dans les clubs, quand vous avez la chance de voir des équipes de ce niveau, de voir du si beau tennis. On dit souvent que c’est difficile de se procurer un billet pour Roland-Garros – même si ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui –, mais on peut assister gratuitement à des matchs par équipes dans des clubs. C’est quelque chose d’extraordinaire. Je pense que les Boulonnais l’ont bien compris, parce qu’ils sont venus en nombre, et c’est aussi une grande fierté. Ils se sont déplacés en nombre.

J’ai d’ailleurs une petite anecdote, pour vous dire à quel point notre équipe est vivante : Sadio Doumbia est venu nous rejoindre à Bressuire par surprise. On ne l’attendait pas, il ne nous avait rien dit. On le voit débarquer, Sadio, à 9h30 – enfin, même pas, les matchs venaient juste de commencer, il était 10h10. Je le vois de dos et je me dis : « Non, ce n’est pas lui, ce n’est pas possible. » Il était venu, il avait annulé un week-end à Tenerife pour pouvoir juste venir nous voir. C’est ça, la mentalité, c’est ça, la bande de copains, c’est ça notre force. On va essayer de pérenniser ça dans les années à venir, parce que ce sont de belles images que l’on donne. Aujourd’hui, au niveau du tennis, on montre que ce n’est pas seulement un sport solitaire, ce n’est pas un sport où l’on est seul, mais aussi un sport d’équipe. La Coupe Davis, les matchs par équipes sont là pour dire que le tennis, c’est aussi un sport d’équipe.

Publié le par Alexandre HERCHEUX

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