Alexander Bublik : "Mes résultats ne sont pas un objet de fierté"
Roland-GarrosQui pourra bien stopper Alexander Bublik à Roland-Garros ? Bien caché, le Kazakh réalisait une bonne préparation sur terre battue avant d’arriver à Paris, comme en témoigne son titre au Challenger de Turin ou ses trois victoires à Madrid. Le 62e joueur mondial s’est en tout cas remarquablement défait de Jack Draper au 4e tour (5-7, 6-3, 6-2, 6-4). À 27 ans, Bublik est qualifié pour son premier quart de finale en Grand Chelem où il affrontera Jannik Sinner.
Alexander Bublik : "Ne pas mettre ma santé en danger..."
Retrouvez le tableau complet du simple messieurs ici
"Il y a des moments où je suis convaincu qu'il n'y a qu'une seule chance"
Félicitations. Belle victoire. Tu peux nous parler du match et nous donner les clés ?
Je ne sais pas, franchement. J'ai tout donné. J'ai des compétences pour jouer au tennis et elles ont fonctionné à 100 % aujourd'hui. C'est l'une de mes plus belles journées de ma vie, l'un des meilleurs matchs de ma vie, c'est aussi simple que cela.
Félicitations. Disons le simplement, cela t’arrive de stresser sur un court de tennis, parce que tu n'en as pas l'air ?
Parfois, j’ai l'impression qu'il y a des matchs que j'ai joués dans ma vie, le titre à Halle, le double à Roland-Garros, que je n'ai pas gagnés. Le match d'aujourd'hui, j'ai ce sentiment qu'il y a une seule chance et que si je suis breaké 7-5 6-2 maximum, je n’ai plus de chance. Je ne vais même plus essayer de me battre. Tu fais de ton mieux et si cela ne fonctionne pas, cela ne fonctionne pas. Il y a des moments où je suis convaincu qu'il n'y a qu'une seule chance. À cet égard, je n'avais pas d'autre solution, il fallait que je gagne. J'ai fait de mon mieux. J'ai travaillé dur mais comme je l'ai dit, si je n'avais pas gagné, tout aurait été terminé. Cela a été mon approche. J'ai joué au maximum. J'ai pris beaucoup de risques.
Félicitations. Tu as gagné un match sur terre de plus cette saison que les trois dernières saisons cumulées. Qu’a-t-il fait la différence mentalement et physiquement ?
Peut-être que je n'avais pas le choix parce que j’étais en train de dégringoler au classement. J'imagine que cela a été la clé.
"Il faut donner la priorité à sa vie privée"
Tu as parlé du fait que tu ne voulais pas être comme les autres joueurs et te poussais plus loin que tes limites. Est-ce que cela a été différent aujourd’hui ? Est-ce qu’à l'avenir, le match d'aujourd'hui pourrait te donner envie d'aller plus loin ?
Ce qui est intéressant dans votre question, c'est de savoir s'il est possible que je le fasse. Est-ce que j'ai envie de mettre ma vie, ma santé, en jeu pour cela ? La réponse est non. Est-ce que je vais continuer à travailler ? Je vous rassure, je m'entraîne. Je fais à la fois le minimum et le maximum pour être le joueur que je suis, pour être dans la position dans laquelle je me trouve. Je continuerai sur le même chemin parce que je pense que je donne la priorité au tennis, mais aussi à ma vie. C'est un rapport à 50 % entre les deux. Ce n'est pas tennis à 90 %. Si je peux donner une part à ma vie, cela va ? Non. Ce n'est pas comme cela. Il faut trouver un équilibre. Il s'agit de faire ce qu'il faut pour être en compétition contre le haut du classement, ce que j’ai montré au cours des 6 ou 7 dernières saisons. Est-ce que je mettrais ma santé en jeu pour cela ? Non.
Est-ce que tu t’estimes heureux d'avoir cet équilibre en te disant que les autres ne l'ont pas tellement ? T’estimes-tu heureux de cet équilibre particulièrement parce que c'est plutôt rare ?
C'est à eux qu'il faut poser la question. Ce sont eux qui doivent vous dire qu'ils ont l’impression de ne pas avoir cet équilibre. Je vous parle de moi ici. C'est ma vision et mon approche de la vie. C'est important.
Félicitations. Il y a beaucoup de mise en valeur du travail, de la souffrance et des méthodes pour y arriver. On a l'impression que ces valeurs doivent être transmises aux enfants. Qu'est-ce que tu espères transmettre comme message avec ta victoire ?
On ne peut pas échapper au travail, ne vous y trompez pas. J'ai travaillé dur, mais à ma façon. J'ai fait ce dont mon corps est capable. Par exemple, je ne vais pas jouer malgré une blessure pour avoir des chances de gagner un match. On ne peut pas éviter de travailler dur. J'ai travaillé dur et je continue à le faire, mais comme je l'ai dit, il faut donner la priorité à sa vie privée, à sa santé, à sa vie parce que je suis père. Il faut remplir ses autres devoirs. C'est un équilibre à 50/50. Parfois, cela ne fonctionne pas. Parfois, cela fonctionne merveilleusement. Pour moi et les enfants, il faut le dire, il faut travailler dur, y investir des heures et des heures. Pour arriver à taper certains coups, certains joueurs auront besoin de 20 heures quand il vous en faudra des centaines. Cela dépend de chacun. Vous vous posez la question d'un objectif, par exemple comment rentrer dans le Top 50 ? Qu'est-ce qu'il faut faire pour arriver ?
"Mes résultats ne sont pas un objet de fierté"
Ta victoire d'aujourd'hui peut montrer au public que la modération peut amener au succès, que tu ne vas pas jusqu’au burn-out, que tu ne vas pas trop loin ?
J’y étais confronté. Il faut vraiment trouver son équilibre. Si on est prêt à mettre son corps en jeu et que l'on veut gagner un Grand Chelem, si c'est réellement ce que vous souhaitez, faites-le. Il s'agit de choix que l'on fait au quotidien. Chacun doit décider. Chaque athlète doit prendre ses décisions. Si les sacrifices qu'il décide de faire pour une vague chance d'être parmi nous, on parle des générations les plus jeunes ici, alors si vous pensez que c'est le cas, faites-les. Mais ne vous plaignez pas si cela ne fonctionne pas parce qu’il y a beaucoup de choses à prendre en compte, en plus du travail pour rentrer dans le Top 50, dans le Top 100. C'est une question d'approche, chacun est différent.
Félicitations. Dans ta carrière, si tu devais nous dire ce qui t'a le plus satisfait, rendu le plus fier, que choisirais-tu ?
Je ne suis pas une personne qui fait preuve de beaucoup de fierté. Mes résultats ne sont pas un objet de fierté. Je ne suis pas fier de moi à cause de cela. Le tennis est un sport que j'ai choisi de pratiquer. J'ai beaucoup travaillé pour être devant vous, obtenir des titres, avoir de bons résultats. Je ne pourrais pas vous désigner un élément en particulier qui me rend fier.
Qu'est-ce qui vous donne de la satisfaction ?
Le sport lui-même, l'équilibre, les moments comme ceux d'aujourd'hui, les moments que j'ai connus par le passé, mais aussi les moments les plus difficiles parce que sans les moments difficiles, il n'y aurait pas les plus joyeux. Cela fait partie de la vie, de mon parcours, de mon destin. Si c'est comme ça, j'en profite, si ce n'est pas le cas il faut que je fasse des changements.
Ce dernier jeu a été extrêmement intense dans le match en sauvant des balles de break et en arrivant à prendre le dessus. À ce moment, quelle a été ton impression ? Le mot a été utilisé. Est-ce que cela a été le moment le plus satisfaisant que tu aies connu sur un court de tennis ?
Oui, absolument. Cette victoire est l'un des meilleurs moments si ce n'est le meilleur.
Publié le par Romain BALLE