Ons Jabeur : "Mon rêve ? Rentrer dans le top 20 !"
Roland-GarrosElle sera pour la première fois en deuxième semaine à Paris. La Tunisienne Ons Jabeur a remporté un beau combat de plus de 2h, 7-6(7), 2-6, 6-3, face à la tête de série numéro 8, la Biélorusse Aryna Sabalenka. Malgré un trou d'air dans la deuxième manche, Jabeur a fait une très belle prestation, elle qui ne dispute que son 3e Roland-Garros. En huitièmes, elle affronte ce mardi Danielle Collins. En conférence de presse, elle est apparue soulagé, et a même avoué etre grande supportrice de Stefanos Tsitsipas !
Jabeur : "Comme les grands champions, je ne vais rien dire!"
Retrouvez le Tableau Hommes de Roland-Garros 2020 en cliquant ICI
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Je n'ai pas très bien vu ton masque : qu'est-ce qu'il y a sur ton masque ?
C’est Tsitsipas. J'ai demandé à avoir le masque Tsitsipas et il m'a dit : « tu ne vas jamais le porter ». Bien sûr que je vais le porter parce que je suis dans l’équipe Tsitsipas !
Félicitations pour ce que tu as fait aujourd'hui. Quelles étaient les clés du match ? Le troisième set, tu as très bien servi.
C'était un match vraiment difficile. Elle est très agressive comme joueuse et aussi elle ne m'a pas donné beaucoup d'occasions de la battre, notamment pendant la deuxième manche. Moi, je servais pour le set. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé tout d'un coup : elle jouait tellement bien que franchement je n'ai pas de regret d'avoir perdu ce jeu. Cependant, j'ai pu faire beaucoup de slices, d'amortis et varier mon jeu parce que je savais que cela allait la gêner et ça a très bien marché comme tactique aujourd'hui.
Pendant les moments de pression, tu as réussi à faire beaucoup d'amortis et varier tes jeux ; comment tu as fait ça ?
Je faisais ça avant pour me débarrasser d'un point parce que je me disais comme ça, ça écourte le point, mais maintenant, j'ai appris à rentrer dans ces amortis, les faire au bon moment, parce que parfois, quand je suis sous pression, je manque ces amortis et je perds ma confiance quand j'essaie après. Ce que j’ai fait aujourd'hui a bien marché. J'étais pleinement dans mes amortis. Je savais quand les jouer. Je n’essaie pas obligatoirement de plier le point tout de suite en ma faveur, mais ça m'aide un peu au cours des échanges et ça m'a aidée plusieurs fois. Les slices également m'ont aidée ; tous ces effets sur le revers la gênent assez également. J’arrivais hausse à faire des glissés sur le terrain, ça m’a beaucoup aidée !
Qu'en est-il de ta gestion du tournoi ? Tu prends les matches comme ils viennent, je crois, tu as tes meilleurs résultats en carrière. Quels sont tes secrets ?
Aujourd'hui : rester calme franchement. Elle, elle criait, se battait sur chaque point notamment les échanges les plus importants, lorsqu'elle a fait son retour à 6-6 notamment. En ce qui me concerne je me suis dit : « reste calme ». Je n'avais aucune raison de me fâcher, ce qui m'a beaucoup aidée aujourd'hui. Et pour les autres matches, j'ai juste voulu sortir mon jeu et profiter de la terre. Aujourd'hui, ce match est encore plus tendu, difficile et demain ou la prochaine fois ce sera encore plus difficile. J'aime comment je joue et varie mon jeu. Je vais continuer à le faire, donner beaucoup de variété et j'espère que les amortis m'aideront toujours.
Et ton équipe te soutient. On les entend beaucoup. Ils font passer leur énergie. Voilà un bel environnement qui peut t'aider mais peut-être qui peut parfois te déstabiliser. Je sais que certaines joueuses se retournent vers leur équipe et leur dont un signe : « taisez vous ».
J'aime quand ils crient. Mon équipe sait quand elle doit s'exprimer et se calmer. Ils ont fait un bon boulot. A la télé, on les a même entendus crier. On m’a demandé qui faisait ça. J'aime travailler avec mon équipe, parce qu’on parle beaucoup après les matches et moi je parle plus qu'avant parce que généralement je ne parle pas beaucoup du tennis quand je ne suis pas sur les courts de tennis. J'aime ça. Notamment quand je perds ils ne disent pas « ce n'est pas bien ». Ils disent ça d'eux-mêmes. Je leur dis la même chose, je leur dis « c'est de votre faute » (c’est de la faute de mon équipe) ; non je rigole ! J'aime mon équipe. On est bien soudés. On essaie d'avoir de bons résultats.
Tu as dit que ton objectif était d'être dans les Top 20 cette année. Et tu n'as pas joué pendant cinq, six mois ; cela a peut-être changé ton objectif. Est-ce que tu as atteint tes résultats cette année ? Quatrième tour au moins ici, troisième tour à l’Us Open. Si la saison avait été entière, j'imagine que tu serais arrivée dans le Top 20, non ? Qu’en penses-tu ? Étant donné le contexte, crois-tu réussi ton objectif qui était les Top 20 malgré cette césure de cinq ou six mois ?
J'ai changé de mentalité ; je l’ai déjà dit plus tôt. Si je veux être dans les Top 20, je dois vraiment croire en moi. Avant, j'avais parfois tendance à abandonner trop tôt et même aujourd'hui, à 5-1, j'aurais pu autrefois laisser couler ou passer ce jeu décisif. Alors que ça n'a pas été le cas aujourd'hui. Je progresse en tant que personne, j'évolue et je crois que ça me permet d'être une meilleure joueuse sur le terrain. À part ça, je ne vais peut-être pas rentrer dans le Top 20 cette année, mais mon rêve, je vais continuer à le dérouler l’année prochaine ou je vais peut-être gagner cette année ici, je n'en sais rien ! Pour être franche, j'ai toujours le même objectif, le même classement, je voulais me qualifier pour les finales WTA, mais il n'y en a pas. Mauvaise coïncidence. Mauvais alignement des planètes cette année pour moi. Mais je vais continuer à me battre et à être positive. Pour l'instant, tout passe bien donc je n’ai aucune pression.
Félicitations pour cette victoire aujourd'hui. Ma question est la suivante : en Tunisie quelles sont les conséquences de tes victoires ? Je sais qu’en Tunisie tout le monde pense uniquement au foot comme sport national, mais généralement, quand quelqu'un revient chez soi, il y a une belle couverture média.
Les fans m'encouragent beaucoup ; quant aux médias je n’en suis pas tout à fait sûre. Ce qui compte le plus pour moi en tout cas, c'est d'avoir le peuple tunisien qui me soutient. Bien sûr si on avait eu des spectateurs à Roland-Garros cette année, cela aurait fait une différence. En tout cas, on me soutient dans mon pays. J'arrive à lire les messages sur les réseaux sociaux, ce qui compte beaucoup pour moi. Et je sais qu'ils avaient de grosses attentes sur moi pour que j'aille loin dans le tournoi. Je vais essayer de représenter au mieux la Tunisie.
Si tu arrives en finale, tu seras dans les Top 20, pas de problème. Ceci étant dit, tu vas jouer soit contre Muguruza, soit contre Collins la prochaine adversaire. Qu’en penses-tu ?
J'ai joué contre Muguruza à Hobart cette année ; c'était un match difficile. Si je joue contre elle, ce sera une revanche sûrement. Sur terre, ce sera plus simple pour moi parce que je pourrai varier mon jeu et faire tous les coups que j'ai envie de sortir. En ce qui concerne Collins je n'ai jamais joué contre elle. Je sais qu’elle est difficile à battre. On verra ! J'espère qu’elles vont jouer cinq heures et qu'elles seront épuisées et comme ça, je vais me reposer.
La terre est très lente cette année et les rebonds sont assez lourds ; ça t'aide ?
Oui, c'est certain, notamment les amortis passent très, très bien parce qu’il n'y a presque pas de rebondi, les balles sont très lourdes. Donc même si mon amorti n'est pas à 100 % parfait, ça me permet de rentrer dans le point et ça m'aide beaucoup. Parfois, je fais des amortis lorsque l'adversaire ne s’y attend pas, c’est aussi bon pour moi. Mais c'est vrai tout le monde sait que je joue les amortis. Ce n'est pas facile à faire des amortis. J’essaie aussi de varier des slices très longs et parfois des coups très courts.
Quand tu décoches des coups spectaculaires, tu ne les fêtes pas vraiment. Cette année, tu l'as fait : tu as couru à toute vitesse et tu as un peu sauté. C'était un coup fantastique. Pourquoi tu ne les fêtes pas ces coups gagnants ?
Je n'avais pas envie de crier de faire des waouh parce qu’elle, elle criait pour deux aujourd'hui. Je me suis dit « si moi aussi je crie, ça va peut-être me mettre en colère ou la mettre en colère ». Et puis si elle est colère et joue encore mieux, je me suis dit « reste calme, laisse passer la tempête ». Mais à l'intérieur je bouillais, je criais. Je ne voulais pas trop en faire non plus parce qu’une amortie, je ne dis rien, je reste calme, et justement faire ce genre de coup, le plus souvent possible.
Dernière question sur le même sujet : quand tu joues, on ne t'entend quasiment pas lorsque tu frappes la balle alors que Sabalenka criait beaucoup aujourd'hui, notamment au cours du troisième set. Est-ce que cela te dérange, te déstabilise ou pas ? Est-ce que tu penses que chez les dames, on utilise le cri comme une tactique, quand on monte dans les décibels ?
Elle crie parce qu'elle a l'habitude de le faire, c'est sa routine, je crois que ça l'aide, lorsqu'elle est sur le terrain. En ce qui me concerne, je n'ai pas crié aussi fort qu'elle mais, parfois, je faisais des bruits lorsque je frappais mes coups. Je monte parfois, en effet, dans les tours un petit peu mais parfois je le fais beaucoup. Là, je ne voulais pas parce que je voulais rester calme. Pour moi, c'est un peu ma tactique du jour, je voulais rester calme et ne pas commencer à avoir 2 joueuses qui se fâchent, qui crient beaucoup des 2 côtés du filet. Je me suis dit : je vais rester calme et puis je vais être celle qui domine le terrain.
Bonjour Ons, bravo, félicitations. C'était une sacrée bataille. Quel est le sentiment qui prédomine après cette belle victoire parce que c'est une douzième mondiale et une vraie bonne joueuse ?
Je suis vraiment contente de gagner le premier set, parce que c'était un peu difficile de servir pour le set et ensuite faire 6 partout. C'est une joueuse qui joue vraiment bien, à qui il ne faut pas donner le rythme parce que, vous l’avez vu, je lui ai donné un peu de rythme. Elle a bien joué au deuxième set, mais je suis contente d'être restée calme sur le terrain, de gérer mes émotions, surtout pendant le deuxième set et le troisième set. J'ai trop hâte de jouer le quatrième tour, parce que je pense que je joue de mieux en mieux.
Ons, félicitations. Qu'est-ce que cela représente pour toi d'être pour la première fois déjà en huitièmes de finale ici, à Roland-Garros ? C'est juste une étape ? Déjà dans ta tête tu te dis : je voulais ça, je le voulais depuis longtemps.
Je le voulais depuis longtemps. J'ai fait le troisième tour ici, en 2017, mais cette année était spéciale pour moi et je voulais être parmi les joueuses de la deuxième semaine. Mon objectif en arrivant ici était de faire la demi-finale. Je continue sur cette voie. Je sais que j'ai les capacités de bien jouer. Je suis une joueuse différente sur le terrain, j'ai plus d'expérience en ce moment. Je vois que ce sera possible d'être parmi les meilleurs dans ce tournoi.
Cette régularité maintenant nouvelle en Grand Chelem, cette année notamment, à quoi l'attribues-tu ?
A beaucoup de travail physique, mental, beaucoup d'entraînement sur le terrain. J'ai mis un objectif début d'année d'être parmi les 20 meilleurs au monde. Je travaille pour cela. Ma mentalité est vraiment différente cette année. Je savais avant que j'avais les capacités d'être parmi les meilleures mais j'ai un peu bloqué à un certain moment. Je suis contente d’avoir pu dépasser cette peur et être vraiment présente dans ce genre de tournoi, parce que je sais que je peux aller loin. Mais le tennis ce n'est pas facile, je faisais beaucoup de travail mais intelligemment.
Muguruza au prochain tour, vous vous êtes jouées à Hobart, grosse bataille, c'était super dur. Est-ce que tu pourrais être impressionnée ici, à Roland-Garros, par une ancienne gagnante de l'épreuve ?
Oui mais soit elle, soit Collins déjà ; cela se joue après. C'est une grande joueuse. C'est vrai qu'elle a gagné ici, qu'elle joue très bien. Je vais aller chercher ma revanche. Je sais qu'on s'est jouées à Hobart mais c'est complètement différent, en ce moment ; je suis plus prête, plus d'expérience. Je sais que je peux la déranger avec mon jeu, avec mes amortis, mes slices. Je serai prête si elle gagne.
Dis-moi Ons, finalement, ne serais-tu pas celle à qui profite cette année que tout le monde déteste ? 2020, le confinement, personne ne s'y retrouve et puis là, toi, tu es toute souriante. Tu fais peut-être ta meilleure saison sur le circuit. C'est une réussite pour toi, au moins.
Oui, j'ai commencé à faire une belle saison avant que tout ne s'arrête. Après, j'avais deux choix, soit commencer à râler, soit travailler et profiter, et être contente que la saison reprenne. J'avoue que je n'étais pas vraiment contente de reprendre à un certain moment, c'était délicat ; voyager n'était pas sûr pour moi et du coup je suis contente d'avoir dépassé cela et j'ai pu bien jouer par exemple ici où a l’US Open. Je pense que c'était bien peut-être de s'arrêter et de me reposer un peu après trois mois un peu intenses pour moi. Je dirais que je profite de ce moment et comme je l'ai dit avant, les grands champions ne disent rien. Je ne vais rien dire, je vais faire comme eux et les prendre pour exemple.
Comment as-tu fait pour arriver en deuxième semaine ?
C'était mon objectif dès le début. Je savais que j'avais une chance ici et j'avais un rôle à jouer. Je m'améliore sur chacun de mes matchs et je vais continuer sur le même chemin qui ne s'arrête pas maintenant ; mon chemin continu et je sais que les Africains, les Arabes, les Tunisiens pourront être fiers de ce que je vais faire. Je vais me motiver pour aller aussi loin que possible.
Publié le par Colin ABGRALL