Culture Tennis - Le tennis, ce pionnier du sport féminin
Par Clémence LACOUR le 16/02/2017 à 09:55
Vidéo - Qui était Suzanne Lenglen ?
A l'occasion de ce week-end de la mi-février marqué par la Fed Cup, et l'opération "Les 4 saisons du sport féminin", menée conjointement par le CSA, le ministère des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, le ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et le Comité national olympique (CNOSF), pour mettre la pratique sportive féminine à l’honneur et ancrer plus encore le sport féminin dans les usages, Le Figaro Sport a ressorti de ses archives des papiers qui montrent à quel point le sport féminin a eu du mal à s'implanter. L'occasion pour Tennis Actu de se pencher sur la place du tennis dans la conquête du sport par les femmes.
Le sport au féminin : dès les années 20, le tennis dans les moeurs, méfiance quant aux autres sports ?
En 1922, un médecin, docteur Bellin du Coteau, déclarait au Figaro : "La femme, de par sa constitution ne peut pratiquer de sport violent". Il assurait : "Quoi qu'on en dise, l'homme et la femme ont un cœur et des poumons différents. Le saut, par exemple, peut avoir chez elle, des conséquences funestes. (...) Une femme ne sait pas tomber, elle s'écroule". En 1939, si bien des hommes restent méfiants sur le sport au féminin, et notamment l'athlétisme, supposé rendre les femmes laides, les dévoyer, Jean Dozen plaidait pour que les jeunes filles puissent pratiquer tous les sports... et espérait qu'elles deviennent plus athlètes qu'érudites - puisque les deux, naturellement ; du moins selon lui, s'opposaient. Cet éditorial, cependant, montre que le tennis était déjà bien ancré dans les moeurs, puisqu'il remarque que personne n'objecte au tennis, alors même que le spectateur est plus proche que dans l'athlétisme, et prête donc plus au "cabotinage".
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Le sport au féminin : encore un combat
Certes, les mentalités ont évolué, mais le sexisme demeure, comme en témoignent cette banderole étalée à Lyon appelant les femmes à retourner "à la cuisine", ou encore ces divers commentaires sur le corps des athlètes comme Marion Bartoli ou Serena Williams. Les audiences sont souvent moindres pour le sport féminin que pour le sport masculin... Et certains joueurs de tennis, en 2016 encore, avaient beau jeu de prendre ce prétexte pour s'élever contre l'égalité des "prize-money": " je comprends bien toute l'énergie que déploie la WTA pour y parvenir. Je les applaudis des deux mains. D'un autre côté, l'ATP devrait se battre encore davantage, car on voit bien qu'il y a beaucoup plus de sectateurs pour les matchs des hommes. C'est l'une des raisons pour lesquelles on devrait avoir plus." déclarait ainsi Novak Djokovic le 21 mars 2016, qui insistait ensuite : "J'ai un grand respect pour ce que font les sportives en général. Je sais à quel point elles doivent travailler sur leur corps, qui est très différent du corps des hommes. Elles doivent s'infliger des choses que nous n'avons pas à faire nous. La forme du corps, les hormones, bref, je ne vais pas m'étendre là-dessus".
Gilles Simon s'était également élevé contre cette exigeance des joueuses, qui recevaient dans le même temps le soutien de Roger Federer : "Je suis heureux que le tennis ait produit certaines des plus grandes athlètes féminines dans le monde. L'égalité est dotations une bonne chose. Les deux circuits (ATP et WTA) grandissent en même temps." Mais l'égalité salariale des prize-money n'est pas le seul combat à mener, puisque la pratique du sport, selon la sociologue Béatrice Barbusse, est aussi un moyen pour exprimer "des" féminités, alors que pour l'heure c'est souvent une vision stéréotypée de la femme qui s'impose, dans le tennis et ailleurs. Pour Tennis Actu, l'auteur de "Du Sexisme dans le Sport" rappelait : "Ce mot-là devrait être employé au pluriel, et non au singulier. La féminité stéréotypée, c'est la femme qui est blanche, longiligne, belle, selon les critères contemporains de la beauté. Vous allez alors mettre en avant Maria Sharapova plutôt que Marion Bartoli à l'époque, ou Serena Williams. Ce n'est pas spécifique au tennis. Vous prenez cette surfeuse brésilienne, qui n'est pas moche mais qui n'est pas un canon, qui est excellente, mais ça fait 12 ans qu'elle ne trouve pas de sponsors, parce qu'elle ne ressemble pas à ce qu'ils attendent d'une femme qui fait du surf."
Le tennis au féminin avait sa pionnière : Suzanne Lenglen
Vous connaissez le stade qui porte son nom, mais connaissiez-vous cette joueuse ? Le Figaro Madame rappellait en mai 2016 que cette Française était d'abord et avant tout un prodige du tennis. En juin 1914, à l'orée de la première guerre mondiale, à 15 ans et un mois, elle avait été finaliste malheureuse du tournoi de Roland-Garros. Elle devient la Maria Sharapova de l'époque : "Une silhouette ravissante d'harmonie physique" et son style "qui reste délicieusement féminin" lit-on dans Le Figaro en 1914. "Avec Mlle de Broquédis, si parfaite elle aussi dans son style élégant, Mlle Lenglen personnifie l'école française du lawn-tennis féminin, où la femme sait rester femme à tout moment." En 1919, elle remporte Wimbledon, non sans avoir avalé au milieu de la partie un petit verre de Cognac. Ultra félminine, vêtue souvent sur le terrain d'une robe de Jean Patou, égal dans les années folles de Coco Chanel ou Elsa Schiaparelli, elle laisse tomber le corset, rappelle Le Figaro Madame en 2016. Autrement dit, la "Divine", comme on la surnomme à l'époque, fait entrer le sport féminin dans les moeurs, mais non sans cette ambiguité que l'on retrouve encore ici et là dans les commentaires sportifs.