Tennis. Chronique - Marc Maury : "Speaker, c'est être bienveillant et sincère"
Par Alexandre HERCHEUX le 18/05/2020 à 16:44
Il est "The Voice" du tennis en France. Speaker de l'Open 13 de Marseille, du Masters 1000 de Monte-Carlo, du Moselle Open, du Rolex Paris Masters et bien sûr de Roland-Garros. Vous l'avez reconnu ? C'est Marc Maury. Comme tout le monde, Marc Maury a été confiné et en a profité pour se replonger dans ses souvenirs. Une manière de positiver. L'ancien athlète a même choisi de livrer sa chronique à Tennis Actu pour évoquer au fil des semaines : son adaptation à cette situation inédite, son avis sur la saison tennistique 2020, son métier, ses rencontres et quelques anecdotes "croustillantes". Pour sa deuxième chronique, Marc Maury évoque sa longue et brillante carrière et le quotidien du métier de speaker.
Vidéo - La chronique de Marc Maury, la voix du tennis français !
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"Mon rôle, c’est de mettre en valeur les sportifs"
Vous êtes connu comme la voix des grands évènements du sport français, mais vous êtes avant tout un passionné de sport et un grand sportif ?
Il y a longtemps. (Rires) J’ai toujours adoré ça. Ma mère était prof d’EPS donc j’ai toujours connu l’activité physique à la maison et en dehors. J’ai voulu toucher un peu à tout. Au départ, j’ai voulu être prof de gym et pratiquer quelques sports au haut-niveau. J’ai été moniteur de ski, moniteur de planche à voile, maître-nageur, j'ai fait du décathlon, et du rugby à Aurillac et Clermont-Ferrand. Le jour où j’ai arrêté ma carrière de sportif, à la fin des années 80, j’ai cherché quelque chose en lien avec le sport. Donc pendant 2-3 mois je tenais le micro pour animer les compétitions d’athlétisme puis Gilles Moretton est venu me chercher pour le tennis. Ça a commencé en 94 avec le Grand Prix de Lyon alors que c'était un sport que je pratiquais un peu sans un être un grand joueur. C’est un sport sur lequel je suis venu et j’ai adoré ! On est backstage, comme on dit, avec les artistes. On est avec les sportifs. Le fait d’avoir fait un sport à un bon niveau fait que je sais qu’ils arrivent à être bons grâce au travail. Mon rôle c’est de les mettre en valeur et de faire comprendre au public ce qu’ils ont dû faire pour en arriver là et surtout y rester.
Vous avez même touché au cinéma à fin des années 80, début 90 ?
Prof de gym me plaisait car j’étais au contact du sport. J’ai enseigné pendant 4-5 ans et au bout d’un moment je me suis dit que ce n’était pas ce que j’avais envie de faire. Avec les enfants, il n’y avait pas de soucis. Mais arrivé en salle des profs, j’avais des profs déprimés et déprimants en face de moi. Alors que j’avais toujours connu mes parents, qui sont profs, très positifs. Donc j’ai voulu faire autre chose et étant à Paris, j’ai pris des cours d’art dramatique. Ca fait partie d’un parcours de vie où j’ai voulu faire autre chose et pour payer mes études d’art dramatique, un copain m’a dit d’essayer d’être mannequin. J’ai essayé pendant 4 ans. En portant une fille sur une photo, j’ai gagné mon salaire de prof de gym d’un mois… J’ai fait ça avec la comédie à côté sans jamais délaisser le sport. En 94, quand Gilles (Moretton) vient me chercher, je commence à travailler pour Canal +, Eurosport et à partir de là j’ai abandonné la comédie. J’ai aimé mon autre vie, c’était sympa de toucher à autre chose.
"Speaker, je ne pensais pas du tout en faire un métier"
Comment êtes-vous devenu speaker et qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
Au départ, je ne pensais pas du tout en faire un métier. En 1983, au championnat de France de Décathlon, je me blesse dès la première épreuve, sur le 100 mètres. Je me suis dit que j’allais passer un sale week-end. Et l’entraîneur national me dit "écoutes, je vais te donner le micro et tu vas animer le championnat de France pour le public", environ 300 personnes, les familles des sportifs. J’ai vraiment aimé donc j’ai fait ça pendant 7-8 ans, en animant des championnats du monde, des championnats d’Europe. Je ne pensais certainement pas en faire un métier parce que c’était seulement l’été et un tout petit peu l’hiver avec les compétitions en salle. A partir du moment où ça commence à marcher avec les tournois de Lyon, Marseille, Toulouse, Monaco, Bercy, la fédération est venue me chercher. Il a donc fallu que je trouve un statut et je me suis mis en profession libérale, en indépendant.
A quoi ressemble le quotidien d’un speaker ? En tournoi et même hors tournoi ?
En tournoi, généralement on arrive 1h30 avant le premier match. On regarde les programmes sachant que la veille j’ai préparé le premier match bien souvent. Je regarde mes fiches et je réactualise mes fiches. Toute la journée je suis un peu au bureau, sur le terrain, jusqu’à la fin des matches. Hors-évènement, on suit. J’ai toujours une fenêtre ouverte sur l’ordi pour suivre l’ATP. Je regarde en permanence les résultats. Je lis régulièrement la presse. Je m’intéresse au sport mais aussi à la géopolitique.
"Il faut une certaine bienveillance"
Pour ceux qui voudraient suivre votre exemple, quels conseils pourriez-vous donner pour être un bon speaker ?
Je pense qu’il faut 2-3 choses dès le départ sur lesquelles on peut travailler. Tout d’abord la voix. Jouer avec ses voix, donner du rythme. Il faut vraiment avoir une modulation de voix, c’est la première chose à travailler. Il faut aussi être passionnée pour pouvoir travailler plus facilement les données que l’on va transmettre au public. Et enfin, je pense qu’il faut une certaine bienveillance. C’est un rôle de mise en valeur du sportif. On doit faire le lien entre le sportif et le public. Avec de la bienveillance et de la pédagogie, c’est plus facile de dire aux gens qui ils ont en face d’eux. Je pense qu’on peut faire une compétition de sport sans speaker mais on s’aperçoit quand il n’y en a pas. Il y a aussi les lumières et la musique. Quand on n’a pas tout ça : ça manque. Bercy a été novateur avec les lumières notamment. D’ailleurs, le format que l’on avait pris avec Gilles Moretton, avec la musique notamment, c’est un format qui a été repris partout dans le monde.
Est-ce que le stress et la pression vous touchent, ou vous ont touché à vos débuts ?
L’erreur est humaine, on en fait tous mais il faut l’éviter parce qu’on est en direct. Lorsque l’on a une mauvaise réaction avec un stade de 80 000 places, comme le Stade de France, la mauvaise réaction peut être dramatique. Il faut s’en méfier très très fort de ça. Le micro est un outil particulier. Il faut le manier avec parcimonie et à bon escient. Oui il y a du stress à se dire je ne dois pas me planter. Après, si une erreur arrive, il faut la rattraper, la minimiser, ça peut se faire. Quand on a bien préparé, bien souvent on évite les pièges.
"Le plus important c’est d’être sincère"
Et après ? Est-ce que vous dressez un bilan de votre journée ? Vous analysez en essayant de voir ce qui a marché et ce qui n’a pas été ?
Toujours ! Je ne suis jamais complètement satisfait. Il y a quelquefois où on est serein, nos partenaires sont contents donc voilà. J’essaie de toujours analyser. Je ne suis pas tout le temps en train de me dire "ce n’est pas bien" mais en revanche "est-ce que je n’aurais pas dû faire mieux à ce moment-là ?" Après on ne passe pas non plus des heures à ressasser une mauvaise animation. Mais on se dit qu’il faudra changer les choses. Quand ça se passe bien, on a les remerciements des personnes etc... L’idéal c’est lorsque l’organisateur est content de nous.
Au départ, il m’est arrivé de me tromper, de ne pas être dans le bon tempo, le bon rythme, de ne pas donner la parole au bon moment mais on apprend. Je pense que le plus important c’est d’être sincère. Le public fonctionne comme un groupe de personnes. Sur 10 personnes, vous avez peut-être 3 amis, 5 qui vous aiment bien sans vous connaître et 2 qui ne vous aiment pas. Le principe est le même pour le public. Vous ne pouvez pas convaincre tout le monde. Mais, si on est clair, juste et qu’on ne dit pas de bêtises, ils vont adhérer. C’est le phénomène de groupe. Si ça fonctionne, la majorité va entraîner tout le monde, et même les sceptiques.