Rétro - Marc Maury : "1999... Hingis a perdu ses nerfs contre Graf"
Par Aude MAZ le 05/06/2020 à 11:44
En ce début juin, il règne - crise sanitaire oblige - une atmosphère bizarre autour du stade Roland-Garros. Une impression de vide absolu. Habituellement, le quartier est bouclé, l'effervescence est palpable, les vrais amateurs de tennis sont au bord des courts. L'édition 2020 des Internationaux de France devait se dérouler du 24 mai au 7 juin sous le soleil parisien. Pour tenter de combler ce vide, Tennis Actu décide de regarder "Dans le rétro de Marc Maury" pour vous présenter durant la quinzaine un évènement qui a marqué l'histoire du Grand Chelem français. Pour cette septième chronique de la série "Roland-Garros - Dans le Rétro de Marc Maury", retour sur le jour où Steffi Graf a fait pleurer Martina Hingis en finale de Roland-Garros, c’était le 5 juin 1999.
Vidéo - Roland-Garros - Dans le Rétro de Marc Maury
Samedi 5 juin 1999, un soleil radieux brille au-dessus du court central de Roland-Garros, théâtre de la finale dame entre Martina Hingis et Steffi Graf. Théâtre, le mot n’est pas choisi au hasard, tant c’est le scénario "dramatique" de cette finale qui restera dans les annales. Hingis est en début de carrière mais a déjà cinq tournois du Grand Chelem à son actif, dont trois Open d’Australie successifs. Steffi Graf est en fin de carrière, redescendue à la sixième place mondiale, cela fait trois ans qu’elle n’a pas atteint ce stade de la compétition mais a cinq Roland-Garros au palmarès. Pour Hingis, malgré ses 18 ans, c’est sa deuxième finale Porte d’Auteuil. Ce n’est pas la "l'ancienne" qui pourra lui barrer la route vers le titre qu’elle désire tant, se dit-elle sans doute avec toute l’impétuosité qu’elle pouvait avoir, à peine sortie de l’adolescence. Mais, face à un public qui ne l’apprécie pas au départ et qu’elle se met à dos toute seule et à une Steffi Graf dont le niveau est monté à mesure que le match avançait, rien ne se passa finalement comme prévu.
Premier rebondissement à 2-0 Hingis dans le deuxième set
Alors qu’elle menait presque tranquillement, 6-4, 2-0, Hingis, probablement pas aussi sereine que son sourire voulait laisser croire, conteste une décision arbitrale, et demande à ce que la marque soit vérifiée. Rien que de très banal à ce moment-là. Mais l’arbitre et la juge de ligne ne retrouvent pas la marque du retour jugé trop long de la Suissesse. Dans ce cas, c’est l’annonce initiale qui prime, ce que ne semble pas accepter la jeune femme. Hingis prend alors un point de pénalité pour avoir franchi le filet, en allant elle-même montrer ce qu’elle pense être la marque. Déterminée, elle retourne s’assoire et demande l’intervention du juge arbitre et du superviseur. On lui donne finalement tort et doit reprendre la partie. Mais erreur de jeunesse sans doute, alors qu’il n’y avait aucun danger, la joueuse suisse vient de se mettre le public à dos et donne une chance à Steffi Graf de revenir dans la partie.
Steffi Graf remporte le second set après être passée proche de la défaite
Le set se poursuit sans incident et la n° 1 mondiale, qui a réussi à rester devant, sert pour le set. Mais Graf a de l’expérience et se démène. Les deux femmes ramènent des balles impossibles. La Suissesse court partout, jusqu’à l’épuisement. Après quelques incroyables rallyes, l’Allemande égalise à 5-5. C’est sans doute le véritable tournant du match. Quelques points plus tard, c’est l’aînée des deux joueuses qui emporte finalement le set et égalise à 1 set partout. La partie est relancée. À la pause, les deux joueuses s’éclipsent aux vestiaires, et à leur retour, l’accueil du public est à l’opposé : des applaudissements et une Ola pour l’une, une bronca pour l’autre. L’ambiance est électrique.
Un troisième set dans une ambiance de folie
Le troisième set est difficile pour Hingis qui est régulièrement huée. Graf redevenue très agressive, distribue à merveille. À 5-2 avantage, elle se procure une première balle de match. À la Michael Chang, elle tente un service à la cuillère. Cela fonctionne, mais le public, déjà partisan, conspue la Suissesse, ce qu’il avait adoré chez le jeune Américain. Égalité. L’arbitre tente de calmer les clameurs du public alors que la jeune femme doit servir à nouveau. Après une défense un peu heureuse, l’Allemande s’offre une deuxième balle de match. En perdition, Hingis sert à nouveau à la cuillère dans un brouhaha monstre. Elle rate complètement son coup, mais demande à remettre à cause du bruit. Un bruit tel qu’elle n’entend pas ce que dit l’arbitre et doit monter sur sa chaise pour comprendre ce qu’elle lui dit. Le point est remis, ce qui commence à agacer Graf, stoïque jusque-là. La leader du circuit WTA a gain de cause et sert normalement cette fois. Sans doute à bout de nerf et à plat physiquement, elle sort un peu vite un revers et s’incline 4-6, 7-5, 6-2. L’histoire aurait pu s’arrêter-là.
Mais à la surprise générale, la joueuse à bout de nerf quitte le court avant la traditionnelle cérémonie protocolaire, à laquelle n’a évidemment pas très envie de participer. Pour sa mère, il est impensable que sa fille ait un comportement aussi anti-sportif. Elle ramène donc sa fille effondrée, en pleurs sur le court afin qu’elle reçoive dignement son plateau et qu’elle ne gâche pas la fête à son adversaire du jour. Graf, qui avouera plus tard avoir joué "le match le plus fou et le plus bizarre de ma carrière", lui dira dans son discours de ne pas s’inquiéter, qu’à son âge, elle aura encore plein d’occasions. Des propos logiques mais pas prémonitoires. Martina Hingis ne gagnera jamais Roland-Garros, ni plus aucun autre Grand Chelem.