Coupe Davis - Yannick Noah : "Mon plan est très clair"

 

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Yannick Noah s'est exprimé ce mardi en salle d'interview à Roland-Garros, le lieu de son sacre en 1983. De retour à la tête de l'équipe de France de Coupe Davis, celui qui succède à Arnaud Clément entend bien redonner le sourire aux joueurs mais aussi aux supporters français. Son plan est clairement ancré dans sa tête et il sera faire preuve d'autorité si besoin pour pousser les Bleus le plus haut possible.

 

Yannick, avez-vous toujours été en lien avec le tennis ?

Je n’ai jamais coupé avec le tennis. On m'a une fois de plus approché, pour savoir si j’étais prêt à reprendre du service. Il était clair que je ne pouvais revenir sans parler aux joueurs. Ma réponse a été assez tardive dans les délais. Après ces discussions, il était évident que je pouvais être favorable à reprendre du service.

 

Quel est votre état d'esprit ?

Je suis très motivé après ces discussions avec les joueurs. J’ai le sentiment qu’on peut s’améliorer. Les faire jouer dans les meilleures conditions possibles. Je ne me suis pas caché pour exprimer que les joueurs ne sont pas optimistes pour la Coupe Davis. J'ai cet espoir fou et cette conviction que l’on peut gagner cette Coupe Davis. On en a parlé longuement et je suis très confiant.

 

Avez-vous ressenti cette unanimité ?

Après avoir parlé avec les membres de la Fédération, je ne voulais pas juste être accepté, je voulais qu’on se mette d’accord avec cette unanimité totale. Je parle de six joueurs, voire 10, car tout le monde doit être concerné par cette Coupe Davis.

 

Y a-t-il eu des problèmes de management ?

On peut le voir de plusieurs manières. On peut le voir à travers les résultats des dix dernières années. Ou on peut le voir de cette façon : est-on responsable ? Je pense que c’est à nous, le staff, de montrer l’exemple. Il faut savoir que cette génération n’a pas connu d’autres formes de fonctionnement que celui qui a été mis en place aujourd’hui. On ne dit pas qu’on va gagner demain. Le but, c’est d’être à 100% le vendredi de chaque rencontre de Coupe Davis.

 

Y-a-t-il eu un manque d’autorité vis à vis des joueurs ?

De par mon expérience, j’étais presque encore joueur à l’époque (en 1991). Nous avons vécu des choses, même avant la Coupe Davis. Propulsé capitaine à l’époque, c’était étonnant. Tout le monde pensait que j’allais me planter, mais au final on l’emporte grâce au respect du grand frère. C’était un vrai travail qui allait au-delà de mon charisme. J'ai appris la gestion du stress, de l’environnement…

Au début on a des convictions, des certitudes, il faut faire attention. Je n’avais jamais vu de match féminin quand je reprenais la Fed Cup (1997). Personne n'a cru en moi à chaque fois. On pense à certains joueurs qui n’étaient pas prêts pour cette aventure, moi je ne suis pas du tout d’accord. Bien sûr qu’il faut établir un cadre, mais ce n’est pas seulement une question de cadre, c’est une question d’ego. Pour être un champion, il faut un ego. Il faut le mettre au service du collectif. Une fois le cadre défini, quand la saison démarre, si quelqu’un sort de ce cadre, il n’en reviendra pas. Donc oui, il faut faire preuve d’autorité. Il faut savoir mettre de côté cette idée d’amitié entre les joueurs et le staff, le côté professionnel doit prendre le dessus. Très souvent, j’ai dû faire preuve d’autorité, et aujourd’hui je suis prêt à le refaire.

 

Le processus a-t-il été bien géré par la Fédération ?

Ce n’est pas simple de la part de la Fédération de remercier un entraîneur apprécié, de sortir quelqu'un de la famille tennistique de cette aventure. Ce qu’on veut, c’est redonner du sourire, de l’amour pour cette équipe de France. Alors oui quelques fois il faut prendre des décisions. A la place d’Arnaud, je serais aussi blessé. On se noie dans des détails. Tous les joueurs sont d’accord pour dire qu’Arnaud est quelqu’un de très valable. Il a eu du mal dans cette urgence de résultat. Il y a eu beaucoup d’espoirs avec cette génération qui est en fin de cycle. Ce n'est pas "on verra dans l’année prochaine", c’est maintenant qu’il faut travailler avec l’ancienne et la nouvelle génération.

Arnaud (Clément), je parle avec lui tout le temps. S’il y avait eu des résultats je ne serais pas là. Moi ma réponse a été claire : je dois être prêt avec mes joueurs et mon discours. Et je sens que j’ai une équipe motivée. Je pense qu’Arnaud est et sera toujours là. Je pense que c’est très bien que la Fédé se mette à décider pour cette hiérarchie pour qu’elle soit comprise par tous. Ça flotte un peu parce que les joueurs pensaient que c’était eux qu’ils décidaient mais maintenant ils vont devoir se faire à cette idée. L’entraîneur national doit être le meilleur. Je n'ai pas besoin d’être à Lille pour savoir comment ça se passe à l’intérieur. J’ai juste à voir la com, le box des joueurs pour savoir l’état d’esprit. Vous savez très bien que je ne dirais pas à Gilles Simon « regarde ta balle ». Je suis là pour les préserver, pour le reste ce sont des champions.

 

Cela suffit d’être motivé pour gagner la Coupe ou est-ce juste une question de niveau ?

Je sais qu’on aurait pu faire mieux contre les Anglais. Je pense pareil pour l’Argentine. J’ai bien compris que les joueurs n’arrivaient pas à s’épanouir dans des grands matches de Coupe Davis. On est déjà à fond pour dans quelques mois. On a aussi perdu en donnant le meilleur de nous-mêmes à l’époque. Je me souviens de tout.

 

Vous arrivez avec une certaine image...

Je n'arrive pas avec une image. Il y a du contenu, de la forme. Le plus important, c’est ce qui se passe dans les vestiaires. C’est là où  ça se passe, c’est là où on gagne. Je veux croire que je ne suis pas là par rapport à une image. Quand je parle aux joueurs, on parle de tennis, je leur raconte pas mes derniers concerts. Rien à foutre. Mon plan est très clair, et vu que les joueurs adhèrent, qu’ils n’ont jamais entendu une chose pareille, je me dis qu’on ne peut faire que mieux. Si on donne le meilleur de nous-mêmes dans tous les points, on a vraiment une chance de gagner sur les 4 ans. Il ne faut pas qu’on triche entre nous.

 

Ce plan paraît alléchant. Qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur ?

Ceux qui étaient là il y a 25 ans savent comment ça se passe. Je n’ai pas de contrat, je veux vivre une belle expérience humaine. On se voit à la fin de la saison et là on verra. Pour moi, il est très important que les infos restent dans le vestiaire. Pour moi, c’est vraiment officiel depuis 4 jours. Il est interdit que les joueurs découvrent mon projet dans la presse.

Avez-vous parlé à tout le monde ?

Je suis en contact avec tout le monde : Gasquet, Tsonga, Monfils, Simon, Mahut, Herbert, Benneteau, Mannarino, Pouille, Paire… Bref, je veux que tout le monde soit concerné. Je veux qu’ils sachent tout de suite comment ça va se passer.  Je n’ai pas vu tous les joueurs. J’aurai la chance d’en avoir un maximum à Bercy. On a la chance d’avoir un peu de temps. Je veux qu’ils se sentent concernés. Les doubles ont toujours été décisifs. Je pense qu’on a des bons joueurs de simples, mais il faut maintenant être très performants en double, je suis la paire Herbert Mahut de très près.

 

Quel va être le mot d’ordre ?

J’aimerais vous répondre, je n’ai pas un discours passe partout, il me faut du temps. Tout le monde a des spécificités bien différentes. Ce qui compte, c’est qu’ils comprennent ce que je veux d’eux. Et pour ça il faut du temps. Je ne vais pas parler des faiblesses des joueurs, je veux mettre en avant leurs forces.

 

Par rapport à quinzaine d’années, le tennis a changé. Le contexte permet-il encore aux joueurs d’être solidaires ?

J’ai passé beaucoup de temps avec Becker. On parlait de Djokovic. Ils sont peut-être anciens mais ils apportent tous quelque chose. Il y a une relation de cause à effet. Il semblait que Roger était sur une pente descendante : Edberg lui a fait beaucoup de bien. J’échange avec tout le monde. Mais à la fin, les anciens connaissent le tennis. Si les agents empêchent la performance, ce sont des mauvais agents. On met toujours en avant ce qui est mauvais mais quand on veut gagner il faut essayer de rêver un peu. Cela serait bien de redonner de l'espoir.

 

Avez-vous prévu de vous déplacer tout au long de l’année ?

Pas du tout, j’ai toujours eu pour priorité de garder mon discours pour la semaine de Coupe Davis, pour que cela soit plus intense. Il y aura des gens dans mon staff pour venir voir les joueurs. Je préfère, par souci de qualité, de garder mon discours pour le week-end de Coupe Davis. Les déplacements ne sont pas importants. Ils pourraient être contre-productifs.

 

Vous vous donnez combien de temps pour nommer votre staff ?

Une semaine, dix jours, quinze jours… Quand je serais prêt. Avant Bercy c’est sûr, mais il n’y a pas de date exacte.

 

Propos recueillis par Bastien RAMBERT et Matthieu GUILLOT pour Tennis Actu, à Roland-Garros