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ITW - La science de Caroline Martin au service de Daniil Medvedev

Par Aude MAZ le 08/04/2020 à 21:30

ITW
Photo : @Caromartin Tennis

Dans le tennis, on est habitué à parler des joueurs et parfois de leurs entraîneurs. Mais il existe tout un écosystème qui gravite autour de nos joueurs et joueuses préférés, et tous oeuvrent dans le même but : améliorer les performances. C'est dans ce sens que la scientifique Caroline Martin, ancienne -15, a orienté sa carrière. Si, notamment en raison d'un service pas au niveau de son jeu, elle n'a pu percer sur le circuit professionnel, c'est une belle carrière scientifique qu'a réussie la Messine en Bretagne. Dans son laboratoire de biomécanique du sport, elle a développé des outils et une expertise autour du service pour le tennis de haut niveau. Une expertise qu'elle a mis au service des joueurs, dont le numéro 5 mondial Daniil Medvedev.

Vidéo - Shanghai 2019 - Medvedev : "Devenir un meilleur joueur"

Le but ? Optimiser son geste de service pour éviter les blessures et améliorer ses performances. Si elle reconnaît humblement ne pas pouvoir mesurer la part de son consulting dans les succès récents du Russe, cette confiance récompense le travail fourni pour en arriver là. En France elle s'est fait une place dans le microcosme du tennis. Nombreux sont les jeunes français qui sont passés entre ses mains tels Harold Mayot, et Diane Parry, tous deux n°1 mondiaux chez les juniors. Mais pas que. Au total c'est plus d'une centaine de joueurs qui ont fait le déplacement à Rennes. Devenus professionnels, Fiona Ferro, Ugo Humbert, ont également fait la démarche. Encore une fois, une belle reconnaissance pour son travail et la scientifique a encore des idées plein la tête. Pour Tennis Actu Caroline Martin a gentiment accepté de revenir sur son parcours, ses aspirations, ses projets et au passage nous livrer quelques-uns de ses secrets.

 

Bonjour et merci d'avoir accepté de nous répondre. J'espère que vous allez bien en cette période de crise sanitaire. Malheureusement, j'imagine que malgré la pause tennistique vous n'êtes pas en mesure de proposer vos services actuellement ? 

Oui et non car le laboratoire est fermé et nous avons dû déprogrammer des tests avec joueurs. Mais nous avons eu pas mal de joueurs qui sont venus juste avant. J'ai donc pas mal de résultats à traiter, des publications à rédiger...

 

J'imagine qu'on ne se réveille pas un matin en se disant que son métier sera d'analyser le service des champions ou futurs champions. Racontez-nous votre parcours, comment votre aventure professionnelle a-t-elle débuté ?

J'ai d'abord effectué un parcours scolaire classique, tout en jouant au tennis à côté à assez bon niveau chez les juniors. Quand j'ai commencé mes études en STAPS, j'ai essayé de percer en jouant dans les tournois ITF en France et en Europe, mais je ne me suis jamais consacrée à 100 % à ma carrière. J'ai découvert pendant les études les sciences du sport à l'ENS Rennes. Puis, c'est dans le laboratoire M2S de l’UFR STAPS de Rennes 2 que j'ai effectué ma thèse. J'y travaille encore aujourd'hui. J'ai eu un peu de chance d'avoir étudié dans l'université où ce laboratoire existe.

 

Ce laboratoire travaillait déjà sur le tennis ?

Pas vraiment. Il était plutôt orienté sur la natation, le hand, le foot. Mais j'ai eu la chance que mes chefs me laissent carte blanche et c'est ainsi que j'ai pu développer la partie tennis, avec notamment l'étude du service.

 

Le faire d'avoir été classée -15 a-t-il été une aide au départ pour réussir à vous faire connaitre auprès des joueurs ?

Déjà ça donne de la crédibilité et aussi un réseau. J'ai commencé sur des copains. Et puis je connaissais Julien Boutter qui s'occupe du tournoi de Metz. Je suis allée faire des mesures au Moselle Open avec du matériel assez basique à l'époque. Après le tennis est un petit milieu. Le bouche-à-oreille à fait le reste.

 

Quelques semaines après le 8 mars, la problématique de la place de la femme dans notre société et notamment dans le sport et dans les sciences, est très d'actualité. Avez-vous rencontré des problèmes à ce niveau-là ? Surtout que le service n'est pas réputé pour être une arme dans le tennis féminin.

Non, je n'ai jamais eu de problème même si au laboratoire il y a surtout des hommes. Vraiment je ne pense pas. A moins que je ne m'en sois pas rendu compte (rires). D'ailleurs, cela m'a même plutôt aidé, notamment pour décrocher une bourse pour ma thèse, la bourse "L'Oréal-UNESCO pour les femmes et la science", et cela a permis une certain exposition médiatique aussi.

 

Vous proposez des prestations d'analyses de service pour les joueurs et les joueuses, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le déroulement ?

En général, ce sont les entraîneurs qui prennent contact avec moi. On commence par un entretien au téléphone, on définit des objectifs, je regarde des vidéos pour connaitre un peu le joueur ou la joueuse. Ensuite il y a la phase de tests qui dure 1h30 à 2h. On pose des capteurs sur le corps de l'athlète ainsi que sur la raquette. Nous avons un protocole précis. Ils commencent par s'échauffer pour s'habituer au matériel, puis on fait des mesures sur des essais réussis et ratés aussi, on enregistre tout. On peut faire des essais supplémentaires par rapport aux objectifs de départ. A la fin, on fait un premier débrief à l'oeil nu, mais une grosse partie du travail se fait après. Il faut traiter l'ensemble des données par logiciel. Le squelette du joueur ou de la joueuse est reconstruit et les mesures sont comparées à des bases de données selon le niveau. Ainsi on peut déterminer des pistes d'améliorations, comme la hauteur de frappe, la poussée... Cela peut être une amélioration technique ou en rapport avec la préparation physique.

 

Effectuez-vous ensuite un suivi ?

C'est très variable d'un entraineur à l'autre. Parfois on a la chance de pouvoir faire des mesures quelques mois après leur passage. Parfois on débriefe simplement par téléphone. Cela arrive que nous n'ayons jamais de nouvelles.

 

Le geste du service est tellement technique, ne vaut-il pas mieux passer entre vos mains dès le plus jeune âge ? Pour un Daniil Medvedev que vous avez eu l'occasion d'analyser, n'est-ce pas compliqué d'effectuer des modifications ?

Ce n'est pas facile mais même Nadal et Djokovic ont apporté des changements techniques au cours de leur carrière. Nous sommes sur de l'optimisation, quelques km/h, un pourcentage de première un peu plus élevé... Le haut niveau se joue sur des détails. Nous n'allons pas remettre en question totalement la technique. Par contre il est important que le joueur adhère sinon ce n'est pas la peine.

 

Avez-vous un retour d'expérience des joueurs ? Ont-ils concrètement fait des progrès dans ce secteur du jeu ? Est-ce mesurable ?

Evidemment, j'aime bien regarder les résultats des joueurs qui sont passés chez nous. Comme je disais, j'ai souvent un retour de l'entraineur. Aussi, je regarde des statistiques sur le site de l'ATP mais ce n'est forcément que grâce à nous. Il faut prendre en compte le niveau de confiance et il a pu s'améliorer physiquement. C'est plus facile si le joueur revient chez nous ensuite.  Pour Daniil Medvedev par exemple, c'est son entraineur Gilles Cervera qui m'avait contacté et nous échangeons de temps en temps.  A l'époque, il était 60e mondial et maintenant il est top 10. Mais, je ne peux pas dire que c'est uniquement grâce à nous car il a progressé dans beaucoup de domaines.

 

D'après votre expérience, les grands serveurs, comme Ivo Karlovic ou Milos Raonic, bénéficient-ils uniquement de leur grande taille où ont-ils également une technique, un timing supérieur aux autres ?

Je dirais les deux. Je n'ai pas eu l'occasion de travailler avec des joueurs de plus de 2 m. Daniil Medevedev ne les fait pas tout à fait. Mais ce que je peux dire c'est que forcément plus on est grand plus on touche la balle haut et plus on a de la marge. Aussi, avec des grands segments on augmente le bras de levier et on peut donner une plus grande vitesse à la tête de raquette. Mais la mécanique de service est hyper bien huilée.

 

J'ai lu que votre service n'était pas au niveau du reste de votre jeu. Aujourd'hui, avez-vous amélioré votre service ?

En effet, j'ai compris pas mal de choses, mais je n'ai plus trop de temps pour mettre les mettre en place. 

 

Avez-vous des regrets par rapport à votre carrière tennistique ?

Je me serais surtout fait moins mal à l'épaule !

Un nouveau défi : le tennis fauteuil

 

Nous avons eu Stéphane Houdet en interview qui nous parlait de son sport quasiment comme d'un sport mécanique. Avez-vous eu l'occasion de travailler avec des joueurs de tennis fauteuil ? Ils doivent être encore plus sensibles à la problématique d'optimisation ? 

En effet, il y a une plus grande sensibilité. Nous avons commencé très récemment avec 5 joueurs. Nous avons encore assez peu de recul. Mais pour eux, la hauteur d'impact est vraiment hyper importante. Sinon les problématiques sont différentes,  les zones sont différentes. En fauteuil, l'effet est plus important que la vitesse. Il faut repenser le modèle. 

 

Est-ce que vous pouvez intervenir sur réglage du fauteuil ?

Nous n'avons pas assez de données pour le moment. L'idée c'est déjà de proposer un mouvement compatible avec le fauteuil.

 

Cela donne de bonnes perspectives d'avenir pour vos recherches !

Oui c'est sûr, c'est vraiment intéressant et il y a beaucoup de choses à faire. 

Un rêve ? : "Analyser Roger Federer"

 

A titre personnel, est-ce que vous avez une préférence entre analyser, disons un grand serveur, où une Sara Errani qui n'est pas réputée pour sa mise en jeu ?

Non je ne fais pas de différence. Par contre, dans le cas de Sara Errani une analyse vidéo suffirait déjà à dire pas mal de choses. Notre système de capteurs est surtout utile à de l'optimisation. Nous pouvons également travailler à partir de vidéo en utilisant les modes ralentis. Même avec une vidéo de smartphone aujourd'hui on peut déjà voir par mal de choses. Cela dépend du niveau et des objectifs.

 

Vous avez bien quand-même un joueur et une joueuse que vous rêveriez d'analyser ?

C'est une question que l'on me pose souvent (rires). Chez les garçons Roger Federer mais c'est aussi bien la scientifique que la passionnée qui parle. A l'oeil nu sa technique parait parfaitement huilée, cela serait intéressant de voir cela avec nos outils. Chez les femmes Serena Williams car c'est sans doute la meilleure serveuse que le tennis féminin n'ait jamais eue.

 

Vous avez eu l'occasion d'analyser le service de Mischa Zverev. Qu'auriez vous envie de dire à son frère Alexander qui semble en proie avec des problèmes sur ce coup ? Il est allé jusqu'à frapper 20 doubles fautes dans le même match à Cincinnati.

Comme ça sans analyse pas grand-chose. Son problème semble plus d'ordre mentale ou de la confiance. Mais quand tout va bien, il sert très bien.

 

Vous avez étudié l'influence de la fatigue sur le geste du service, il me semble. N'est-ce pas une piste à explorer dans son cas ?

Oui j'ai étudié cela pendant ma thèse. Dans le cas d'Alexander Zverev, il s'agirait peut-être plus de stress. Nous aimerions aussi voir comment le geste peu se dégrader en fonction du stress. Mais là, il faut tester en conditions réelles. Il nous faut un autre outil que celui que nous avons actuellement. Nous sommes en train de travailler sur un outil utilisable en conditions réelles.

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