Tennis. Rétro - Marc Maury : "1988, le cauchemar de Leconte contre Wilander"
Par Aude MAZ le 06/06/2020 à 19:58
En ce début juin, il règne - crise sanitaire oblige - une atmosphère bizarre autour du stade Roland-Garros. Une impression de vide absolu. Habituellement, le quartier est bouclé, l'effervescence est palpable, les vrais amateurs de tennis sont au bord des courts. L'édition 2020 des Internationaux de France devait se dérouler du 24 mai au 7 juin sous le soleil parisien. Pour tenter de combler ce vide, Tennis Actu décide de regarder "Dans le rétro de Marc Maury" pour vous présenter durant la quinzaine un évènement qui a marqué l'histoire du Grand Chelem français. Pour cette treizième chronique de la série "Roland-Garros - Dans le Rétro de Marc Maury", Tennis Actu revient sur le jour où Henri Leconte est devenu le dernier français à atteindre la finale de Roland-Garros.
Vidéo - Roland-Garros - Dans le Rétro de Marc Maury !
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Henri Leconte est arrivé en pleine confiance à Roland-Garros en 1988. Après une victoire à Nice et une finale à Hambourg, le Tricolore au jeu offensif très attrayant, pouvait nourrir de logiques ambitions. Pourtant, tout ne commence pas sous les meilleurs auspices. Avec son jeu, qui lui fait prendre tous les risques, il faudra cinq sets au Nordiste pour se débarrasser du jeune Australien Simon Youl, 149e mondial, et encore cinq au tour suivant pour se défaire du Croate Bruno Oresar, 100e mondial. Les deux joueurs ne sont pas des spécialistes, mais perturbent Français qui, sous la pression, ne sait plus comment jouer et fait les points et les fautes. Au troisième tour, il hérite de Horacio de la Peña, un vrai terrien. Mais Leconte, mis en jambe par ces deux premiers tours à rallonge, croque l'Argentin en trois sets. Son tournoi commence enfin.
LA perf' face à Boris Becker en huitième
Après la défaite de Yannick Noah la veille, Henri Leconte est le dernier Français encore en lice. Il doit affronter Boris Becker, qui sans être une terreur sur terre battue, avait tout de même atteint les demi-finales l’année d’avant. Les deux joueurs se connaissent bien, pour avoir partagé le même entraineur. Ils se sont rencontrés au tournoi d’Hambourg et le Tricolore l’avait remporté en 3 sets, 3-6, 7-6, 7-6. Pour le Français l’enjeu est grand et il sait que l’Allemand sera revanchard à Paris après avoir été défait chez lui. Et c’est un sacré duel que les deux hommes vont offrir au public. Leconte avec son jeu résolument tourné vers l’avant, fait le spectacle. Il mène deux sets à un, mais cède la quatrième 7-5. La dernière manche tourne à l’avantage du Tricolore qui joue selon Becker "le tennis de sa vie". Cela restera l’unique victoire du français face à l’Allemand en Grand Chelem.
Le quart et la demie comme dans un rêve
Si ce match contre Becker est sans doute l’un des meilleurs de sa carrière, Henri Leconte est "habitué" aux exploits sans lendemain. Il ne veut pas reproduire les erreurs du passé. Il a la pression, car après une telle performance, le public attend beaucoup. En quart, il rencontre Andrei Chenoskov, un joueur contre qui il n’a jamais perdu, qu’on ne lui pardonnerait pas de ne pas battre. Mais le Français, réalise encore une fois, une performance plus que solide et efface le Russe en trois sets 6-3, 6-2, 7-6. En demie, alors qu’il pensait retrouver Ivan Lendl, c’est la surprise suédoise Jonas Svensson qui se dresse sur sa route. Le jeune homme vient de réaliser l’exploit en éliminant le numéro 1 mondial double tenant du titre, en trois sets. Pour le Nordiste c’est "une fausse bonne nouvelle", car il passe du statut confortable d’outsider à celui de favori, devant son public. Mais Svensson n’a pas digéré son exploit et Leconte a fait, ce qu’il a fait tout le long du tournoi jusque-là, du grand tennis d’attaque. Il l’emporte 7-6, 6-2, 6-3. Il ne le sait pas encore, mais cette victoire, signe la fin du rêve. Il est en finale face à Mats Wilander, comme son pote Yannick Noah, 5 ans plus tôt. Mais son histoire ne connaitra pas le même dénouement.
La finale vire au cauchemar
Cela aurait pu être un des plus beaux jours de sa vie. Mais en face, il y a Mats Wilander, déjà deux fois titré Porte d’Auteuil. Mais de son propre aveu depuis sa victoire en demi, il vit un calvaire : "Une fois que je prends conscience que je suis en finale, le calvaire commence, l’horreur" s’est-il confié au Eurosport en 2018. Le Français n’arrive pas à s’isoler et les deux jours qui précèdent la finale, sont très durs et le vident de son énergie mentale. Malgré tout, le Tricolore débute bien la rencontre et est le premier à breaker. Même si le Suèdois parvient à débreaker, le Nordiste tient bon et break à nouveau pour servir pour le set. Il négocie mal ce jeu et c'est la fin du rêve. Il ne le sait pas encore, mais il ne marquera plus que trois jeux. Le meilleur est passé, il va maintenant vivre le pire. Le public qui s'attendait à mieux n'est pas tendre et entraine "Riton" dans sa spirale négative. Finalement, la tête de série n°11 s'incline lourdement face au numéro 3 mondial, 7-5, 6-2, 6-1. L'histoire aurait pu s'arrêter-là.
Un discours maladroit, que le public ne lui pardonne pas
Mais le Nordiste, s'est senti laché par le public. Acculé, au lieu des traditionnels remerciement lors du discours de remise des trophées, Leconte tente de se justifier : "J'espère que vous avez un petit peu compris mon jeu..." Une phrase un peu malheureuse que le public n'appréciera pas et mettra beaucoup de temps à pardonner au Français, qui a beaucoup perdu ce jour-là. Il n'y aura pas d'happy end à la Yannick Noah. Une fin en queue de poisson qui vient ternir la belle histoire. Encore aujourd'hui. Si le joueur s'est réconcilié avec le public en 1991 en portant l'équipe de France de Coupe Davis vers le titre, cette finale de Roland-Garros reste un souvenir douloureux. C'est pourtant le dernier finaliste que la France est connue. Une performance qui mérite d'être saluée.