Tennis. Roland-Garros - Coco Gauff, son 1er Roland-Garros : "Ce n'était pas joli mais..."
Coco Gauff tient enfin son premier titre à Roland-Garros. La numéro 2 mondiale est allée au bout d'elle-même, samedi, sur la terre battue du Court Philippe-Chatrier. Malgré une manche de retard à face la numéro 1 mondiale Aryna Sabalenka, l'Américaine de 21 ans a gardé le cap et élevé son niveau de jeu pour recoller au score et même renverser la vapeur. Bien aidée, certes, par les 70 fautes directes de la Biélorusse, la Floridienne est allée chercher sa victoire, son deuxième titre du Grand Chelem après l'US Open 2023, et son premier à Roland-Garros, trois ans après sa finale perdue contre Iga Swiatek. Fait amusant, Gauff avait rêvé en 2021 qu'elle remporterait Roland-Garros 2025... Dingue.
Vidéo - Coco Gauff, gagnante de Roland-Garros 2025 !
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"Ce n'était pas joli mais efficace"
Coco félicitations. Ton premier titre à Roland-Garros, quelle bataille aujourd'hui ! Comment tu peux surmonter ton adversaire et les éléments pour avoir la victoire aujourd'hui ?
C'était très difficile quand je suis sortie sur le court. J'ai senti le vent parce qu'on s'était échauffées avec le toit fermé. Je me suis dit que cela allait être très difficile et qu’il s’agirait d’une question de volonté et de mental. C'était vraiment une question de quelques derniers points. Dans l'ensemble, je suis très satisfaite de ma lutte d'aujourd'hui, ce n'était pas joli mais efficace.
Félicitations, bien joué. À quel point les conditions sur le court étaient mauvaises ? On ne ressent pas le vent de là où on est. C'était comment sur le court ? Est-ce que ça partait dans un sens ou en tourbillon ? À quel point c'était difficile ? Aryna a dit que les conditions étaient terribles.
Oui, c'était très difficile surtout au bout du court, c'était très difficile de frapper la balle et de la faire passer de l'autre côté du court si on n'accélérait pas. C'était un peu comme un match de premier tour. Je savais à quoi m'attendre. Je ne savais pas si le toit allait être ouvert ou fermé jusqu'à 30 ou 40 avant le match. Après avoir joué mes deux derniers matchs en intérieur, c'était une tout autre expérience. Je savais que ça n'allait pas être facile ni pour l'une ni pour l'autre.
Félicitations. De quelle manière est-ce que celui-ci est différent du premier émotionnellement, ce que tu as traversé ? Comment c'est depuis une heure ? Quel est le ressenti ? Comment est-ce que c'est le même et comment est-ce que c'est différent ?
Je pense que le premier, c'était plus émotionnel. Je pense qu’ici, c'est plus difficile puisqu'on en gagne un, mais on ne s'en satisfait pas. Il était très difficile de jouer ce match. Je voulais vraiment le gagner parce que pour moi, c'est l'un des tournois quand j'étais plus jeune, où je pensais que j'avais les meilleures chances de gagner. Si je faisais ma carrière et que je n'arrivais pas à voir une victoire ici, cela aurait été dommage. En jouant contre Aryna, il fallait faire mon mieux pour terminer le match.
"Je me suis dit que j'allais peut-être pouvoir le faire en français, mais je n'ai pas réussi"
Tu as évoqué le fait d'avoir des idées sombres après ta finale en 2022. Sur le papier, on pense que tu as une carrière parfaite. Tu as gagné ton premier Grand Chelem en 2023. Quelles ont été tes idées en tenant le trophée aujourd'hui ?
Je me suis rappelé la cérémonie quand Iga a gagné, d’essayer de tout absorber, faire attention à chaque détail. Je voulais avoir cette expérience pour moi-même. Quand on a joué l'hymne, je me rappelle que je l'ai regardée, elle était très émotive quand ils ont joué l’hymne polonais. Je me suis dit quel moment incroyable ! Quand c'était mon moment aujourd'hui, je réfléchissais à ça. C'était difficile. Je me demandais si j'allais y arriver. Avant le match, je pleurais, j'étais nerveuse, je n'arrivais plus à respirer. Je me suis dit : si je n'arrive pas à gérer ça, comment le gérer à nouveau ? Aujourd'hui, j'étais vraiment prête. Je me suis dit : je vais tout donner, peu importe ce qui se passe, je serai fière du résultat.
Lors du break au premier set, comment tu te sentais du côté émotionnel et tennistique ? Qu'est-ce qu'il fallait faire pour changer le score ?
Mon timing n'y était pas au début avec le vent, etc. Je prenais tous les points et j'étais menée d’un double break par Madison Keys. Donc, je pensais à ce match. Je me suis appuyée sur cette expérience aujourd’hui. Ce match m'a aidée pour aujourd'hui. Le score était semblable. Si on alternait les deux derniers sets, ce sont presque même les mêmes scores. Je me suis appuyée sur ce match pour gagner aujourd'hui.
Je me rappelle avoir parlé avec toi et tes parents il y a quelques années. Tu as dit que tu apprenais le français, que tu chantais en français. Tu as pensé que tu allais pouvoir parler en français à la cérémonie ?
Oui, pendant longtemps, pendant que j'étudiais le français, je me suis dit que j'allais peut-être pouvoir le faire en français, mais je n'ai pas réussi. Si j'avais encore une occasion, je vais essayer de dire quelque chose en français, peut-être pas tout un discours. J'ai pensé que je pouvais écrire quelque chose. Si je pouvais le lire, ce serait quelque chose. J'ai pensé à écrire quelque chose avant le match, mais je ne voulais pas me porter la poisse.
Parfois, il semble que perdre un premier set serré, comme tu l'as fait aujourd'hui, te donne presque plus de chances à gagner le match après. Comment est-ce que tu te sens quand tu perds un set qui a duré si longtemps comme cela ? Est-ce qu'il est plus probable que tu gagnes le match après ?
Oui, c'était décevant parce que j'avais tellement d'occasions lors de ce tie-break et elle a bien joué lors de ce set, c'était important. Je me suis dit : il faut que j'essaie à nouveau et ne pas jouer de la même manière. J'essayais d'être plus agressive au deuxième set et ça marchait. Ensuite le troisième, je savais qu'elle allait rehausser son niveau. Lors du premier jeu, elle a bien joué. Je me suis dit : il faut que j'essaie de me rehausser au même niveau et courir. Je sais qu'il est très difficile de frapper plus fort qu'elle. J'essaie de la mettre sur la défense mais avec le vent, il était également important pour moi de mettre autant de balles dans le court que possible, juste parce que c'est difficile. On se déplace avec les pieds, la balle se déplace et les coups qui sont bien sur un jour normal étaient terribles aujourd'hui.
"On a l’impression d'être sur le toit du monde..."
Aryna est venue et elle a dit à quel point elle avait trouvé que les conditions, le vent, étaient frustrants. À quel point est-ce que tu étais consciente de ce qui se passait de l'autre côté du court, dans son esprit et avec son langage corporel ? Est-ce que cela fait partie des tactiques, en quelque sorte, pour essayer de faire en sorte de renfoncer le clou ?
Oui. Un petit peu, mais je ne fais pas trop attention, surtout contre Aryna, parce que je l'ai vu s'agacer et ensuite déchirer le court. Donc, j'étais frustrée aussi, même si je ne l'ai pas trop montré. Dans ma tête, j'étais frustrée. Je sais, si moi je suis frustrée, mon adversaire doit l'être aussi. Ce n'était pas un jour pour jouer du grand tennis. Je ne connais pas beaucoup de joueurs qui pourraient jouer du grand tennis aujourd'hui, mais ça fait partie du sport et le fait de jouer en extérieur. On ne sait pas à quoi s'attendre, surtout à Paris.
Juste pour rebondir là-dessus. Félicitations. Est-ce que tu es presque fière quand tu vois un adversaire qui se frustre ou qui a du mal avec des conditions ? Est-ce que cela te booste ?
Cela ne me booste pas vraiment parce que ce n'était pas fantastique. Bien sûr, quand on voit son adversaire frustrée, quelles que soient les circonstances, que ce soit dur ou non, cela vous donne un petit boost, parce que vous savez qu'il est frustré. Pour moi, cela n'a pas trop été le cas aujourd'hui parce que je sais qu'elle sait exprimer sa frustration et, ensuite, elle joue du grand tennis. Je n'étais donc pas trop focalisée sur elle mais beaucoup plus focalisée sur moi-même
C'est comment de lever ce trophée ? Est-ce que c'est un peu lourd ? Est-ce que tu souffrais en tenant le trophée ? Est-ce que tu as un lieu spécial où tu le mettras ?
Ils nous donnent un petit trophée, en fait. Celui-ci est lourd. J'ai essayé de voir lequel était le plus lourd, mais les deux sont lourds, bien sûr. Celui-là et celui de l'US Open, mais c’est super de le lever. Etre sur le podium, c’est incroyable. On a l’impression d'être sur le toit du monde. C'est donc un moment à ne pas oublier.
"Je me rappelle après les élections, on était un peu démoralisés..."
Incroyable ton accomplissement. Tu as parlé d'entendre l'hymne polonais il y a quelques années et, aujourd'hui, tu semblais avoir été frappée par l'hymne américain. Je sais que tu es tout d'abord une joueuses de tennis mais comment c'est de parcourir le monde en tant qu'Américaine ? Est-ce que tu as réfléchi au sens ?
C'est important. Bien sûr, il se passe beaucoup de choses dans notre pays actuellement. Vous êtes au courant, n'est-ce pas. Mais le fait de pouvoir représenter mon pays, de représenter les gens qui me ressemblent aux États-Unis et qui ne se sentent pas soutenus en cette période, juste être le reflet de l'espoir et de la lumière pour ces personnes. Je me rappelle après les élections, on était un peu démoralisés et ma maman a dit : « Essaie de gagner le tournoi pour donner aux gens une raison de sourire ». C'est à cela que je pensais en tenant le trophée, en voyant les drapeaux, le public. C'est important.
Certaines personnes ne sont pas patriotiques mais moi si ; je suis heureuse et fière d'être Américaine. Je suis fière de représenter les gens qui me ressemblent et qui soutiennent les mêmes choses que moi.
Ton premier check a été pour Spike Lee. Il t’a soutenue à fond pendant tout le match. Peux-tu décrire ta relation avec lui ?
En réalité, c'est la première fois que je le rencontrais. Je l'avais vu à mes matches à l'US Open et quand je l'ai vu sur le court aujourd'hui, je l'ai vu à l'échauffement, ils ont mis la caméra sur lui et j'ai dit « Oh là, Spike Lee est là ! ». Ensuite, je me sentais mal parce que, d'habitude, je mets ma serviette à cet endroit-là et je pense que c'est pour cela qu'il s'est mis là. On donne l’autre box à celui qui est le moins bien classé et j’ai mis ma serviette là-bas. Ensuite, je me suis dit : si je gagne ce match, je vais tout d’abord aller voir Spike Lee. Une fois que j’ai gagné le match, je suis allée directement vers Spike Lee. Je me suis dit que j'étais contente de lui donner quelque chose pour faire un hourra. Je n'ai pas vu les vidéos mais j'attends avec impatience de les voir.
Au début, tu as dit que c'était une question de volonté et de mental. Tu ne sembles pas avoir paniqué ou cédé à tes nerfs. Est-ce que la clé de ta victoire est de garder ton mental à un très haut niveau ?
Oui, surtout lors de ce dernier jeu, je servais du côté du court où c'était difficile de servir, donc j’étais un peu effrayée. J'essayais de rester calme, de respirer, de jouer les coups et de me rappeler de mes basiques.
Les finales à Madrid et à Rome, tu as gagné ici, tu as joué beaucoup de matches sur la terre battue. Quel est ton programme avant Wimbledon ? Est-ce que tu vas prendre quelques jours de vacances ? Quelle sera la préparation pour Wimbledon ?
Honnêtement, je n'ai pas encore pensé à cela. Bien sûr, je vais prendre quelques jours de repos. Je suis inscrite pour Berlin pour l'instant, on verra si je joue ou non. Cette partie de la saison est nouvelle, parce que c'est si court et je ne sais pas exactement ce que je vais faire pour l'instant. Je vais en parler avec mon équipe, écouter leur avis pour voir ce qui est mieux, mais je vais me reposer et en profiter et ne pas recommencer à m'entraîner trop rapidement. Je me dis que ce type de chose n'arrive pas si souvent et il faut que j'en profite.
Tu parles beaucoup de perspectives et qu'il y a des choses bien pires qui se passent dans le monde que des gens qui perdent dans les finales de Grand Chelem. Je sais que tu essaies de devenir une meilleure personne. Est-ce que cela t’aide ces grands moments que tu vis sur les courts de tennis ?
C'est certain. Honnêtement quand j'ai perdu le premier set, je me suis dit : je vais tout donner et si je perds ce match, au moins je pourrais dire que j'ai tout donné sur le court et je vais rentrer chez moi, je verrai mon petit ami. Je me dis ça tous les jours. Bien sûr, j'adorerais gagner ici mais on se dit : si je perds, peu importe... Non, pas peu importe, je déteste perdre. Mais on rentre chez soi et on recommence à zéro. Aujourd'hui, quand j'ai perdu mon premier set, j'essayais de ne pas trop me mettre de pression. Je pense que ça a marché, j'ai pu me relâcher et jouer plus librement.
"J'aurais préféré jouer contre Iga parce que Aryna jouait tellement bien"
Quand Aryna était ici, elle a dit qu'elle pensait que si Iga avait gagné contre elle, elle aurait gagné le match d'aujourd'hui. Est-ce que tu penses que la manière dont tu as joué aujourd'hui, tu aurais gagné contre n'importe qui ?
Elle a dit « si j’avais joué contre Iga dans la finale » ?
Elle n’a pas dit qu’elle aurait gagné contre toi, mais elle a dit que si Iga avait gagné contre elle, elle aurait gagné le tournoi.
Je ne suis pas d’accord avec cela. Me voilà ! La dernière fois que j’ai joué contre elle – je ne veux pas faire ombrage à Iga ‑, j'ai gagné en trois sets. Je ne pense pas que ce soit juste de dire cela, parce que tout peut arriver. Honnêtement, la manière dont Aryna a joué depuis quelques semaines, elle était la favorite pour la victoire. C'était la meilleure personne que j'aurais pu jouer en finale puisqu'elle est n° 1 mondiale. C'était la meilleure adversaire. Je pense que j'ai joué le match le plus difficile, au regard des statistiques. Iga étant championne ici, ça aurait été un match difficile, de toute façon.
Peu importe qui j'ai joué, j'avais de bons espoirs de gagner et j'avais cette croyance. Si on me posait la question qui je voulais jouer, j'aurais préféré jouer contre Iga parce que Aryna jouait tellement bien, mais Iga est une adversaire difficile également. Ni l'une ni l'autre n'aurait été une meilleure adversaire, mais les choses se sont passées comme elles se sont passées, c'est pour cela que je suis là aujourd'hui.
Je veux te poser une question sur tes parents. Tu es allée les voir et tu as dit que tu faisais des escape games avec eux pendant le tournoi. Que signifie leur soutien pour toi ? Parfois, on oublie que tu es si jeune, tu es sur la route depuis longtemps et ils sont restés à tes côtés pendant tout ce temps.
Cela a été très important pour moi. Ils m'écoutent vraiment et parfois on entend des histoires folles de parents des joueurs de tennis. Non, je ne suis pas d'accord du tout. Parfois, je demande à mon père de prendre un peu de recul, il le fait. Je demande à ma mère de m'accompagner, elle le fait chez mon kiné. Comme j'ai beaucoup d'hommes sur mon équipe, j'ai besoin de plus d'œstrogènes et je demande à ma mère de m'accompagner. Les femmes remarquent plus de choses. Je les ai enlacés à la fin. Ma mère était très émotive. Mon père a pleuré à l'US Open mais pas ici. Je ne pensais pas qu'ils allaient pleurer. C'était fantastique de les avoir ici pour qu'ils puissent vivre cela avec moi. Ils se sont tellement sacrifiés pour moi que je suis contente de vivre cette expérience avec eux.