US Open - Mirjana Lucic-Baroni, le phénix croate

 

Ce dimanche, le court Arthur Ashe va s'ouvrir avec une affiche surprenante qui doit opposer, avec à la clé, une place en quarts de finale de l'US Open, l'Italienne Sara Errani, tête de série n°13, à la Croate Mirjana Lucic-Baroni. C'est surtout la présence de cette dernière qui est surprenante, car elle atteint, à 32 ans, les huitièmes de finale de l'US Open pour la première fois de sa carrière, ensuite parce que la Croate a battu Simona Halep, n°2 mondiale au tour précédent, enfin, parce que cette joueuse a une carrière tout sauf ordinaire.

 

121e mondiale, sortie des qualifications avant de passer déjà 3 tours dans le tableau principal, Mirjana Lucic a connu deux vies de joueuses de tennis. Deux vies distinctes et sans doute diamétralement opposées. Et c'est sans doute actuellement, malgré ce classement modeste, qu'elle vit ses meilleurs moments de joueuse de tennis professionnelle, elle qui fut un immense espoir du tennis mondial, il y a déjà une quinzaine d'année.

 

Mirjana Lucic a tenu très jeune une raquette en main et, dès l'enfance, elle montre des qualités exceptionnelles qui vont en faire une des meilleures juniors de sa génération. En 1996, à seulement 14 ans, elle remporte l'US Open juniors puis, quelques mois plus tard, elle récidive en Australie, alors qu'elle n'a pas encore 15 ans. Au printemps 1997, elle se lance sur le circuit professionnel, où elle ne tarde pas à briller puisqu'elle remporte aussitôt son premier titre, en Croatie, au modeste tournoi de Bol.

Mais c'est lors du tournoi de Strasbourg qu'on la découvre vraiment. Sortie des qualifications, Mirjana Lucic bat Nathalie Tauziat, tête de série n°7, l'ancienne finaliste de Roland-Garros, Natasha Zvereva et l'Autrichienne Judith Wiesner, tête de série n°4. Elle ne s'incline qu'en finale, face à Steffi Graf, qui remporte là son 103e titre, et donne du fil à retordre à l'Allemande.

 

En 1998, associée à Martina Hingis, elle remporte le titre en double à l'Open d'Australie, devenant à 15 ans, 10 mois et 21 jours, la plus jeune joueuse à décrocher un titre dans ce tournoi du Grand Chelem. A Bol, elle défend victorieusement son titre et établit un nouveau record de précocité en devenant la plus jeune joueuse de l'histoire à conserver un titre WTA.

 

Mais le sommet de sa jeune carrière, elle l'atteint en juillet 1999. A 17 ans seulement, alors qu'elle n'est que 134e mondiale, elle atteint les demi-finales de Wimbledon. Elle bat au passage Monica Seles, tête de série n°4, et Nathalie Tauziat, finaliste l'année précédente, à l'issue d'un match incroyable, à la fin duquel la Française a servi deux fois pour le match avant de s'incliner. En demie, Mirjana Lucic baisse pavillon encore une fois face à Steffi Graf, mais, cette fois, elle lui prend un set.

 

Un exploit sans lendemain : elle n'apparaît que furtivement lors des saisons suivantes, officiellement suite à une série de blessure qui perturbent sa progression. Elle joue jusqu'à l'US Open 2003, sans jamais retrouver le niveau de ses premières années professionnelles, puis se met en retrait de toute compétition. Elle a atteint la 32e place mondiale au meilleure de sa carrière et l'étoile montante s'éteint.

 

Ce n'est qu'en 2006, lorsque Mirjana Lucic donne une interview à un quotidien new-yorkais, que l'on découvre ce qui a empêché la jeune Croate tellement prometteuse de mener une carrière à la hauteur de son talent. Elle y accuse son père d'avoir abusé d'elle depuis son enfance, mais aussi d'avoir englouti ses gains. Bref, une enfance et une adolescence terriblement malheureuses où le tennis n'a pas pu tout effacer, au contraire.

 

En 2007, à 25 ans, libéré de ce père abusif, Mirjana Lucic décide de revenir sur le circuit. Mais ce retour est difficile, elle ne perce pas véritablement, obtenant quelques wild cards pour des tournois WTA mais jouant le plus souvent sur les circuits secondaires, sans y briller plus que cela. Il faut attendre 2010 pour la voir revenir au plus haut niveau. Elle sort des qualifications à Wimbledon et dispute son premier tournoi du Grand Chelem depuis 2002 ! Le tirage au sort ne lui est pas favorable : elle se retrouve face à Victoria Azarenka, tête de série n°14, et s'incline 6-3, 6-3.

 

Elle remet ça à l'US Open, sort des qualifications et passe même un tour avant de chuter face à Jelena Jankovic. De bons résultats qui lui permettent de finir la saison à la 105e place mondiale. C'est désormais dans ces eaux-là qu'elle va évoluer, atteignant en 2011 à Strasbourg, tournoi fétiche, son premier quart de finale en tournoi WTA depuis 10 ans.

 

Mariée fin 2011 à Daniele Baroni, dont elle ajoute le patronyme au sien, elle atteint la trentaine avec un nouvel équilibre personnel. Lors de Wimbledon, en 2012, elle réussit un coup d'éclat en se hissant au 3e tour alors qu'elle sort des qualifications, avec une victoire sur Marion Bartoli au passage au 2e tour. Mais, c'est vraiment lors de cet US Open 2014 qu'elle réussit son retour sur le devant de la scène.

 

15 ans qu'elle n'avait pas atteint un tel stade de la compétition. A 32 ans, rassérénée, plus mûre, Mirjana Lucic-Baroni pourrait bien encore surprendre son monde et, pourquoi pas, avancer encore dans ce tournoi, avant de retrouver le Top 100 mondial.