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Tennis. INTERVIEW - Guy Forget: "Alcaraz ne part pas complètement dans l’inconnu non plus"

Par Alexandre HERCHEUX le 19/12/2025 à 17:20. Mis à jour le 19/12/2025 à 18:12.
INTERVIEW
Photo : @TennisActu

Comme en 2023 et en 2024, Guy Forget revient sur les sujets chauds de cette saison 2025 pour Tennis Actu. L'ancien capitaine des équipes de France de Coupe Davis et de BJK Cup, également consultant TV, intervenant en entreprise et président de la Fondation Sport for Life, nous a accordé un long entretien pour livrer son analyse sur l'actualité récente mais aussi la situation du tennis français. L'ex quatrième joueur mondial a évoqué la séparation entre Juan Carlos Ferrero et Carlos Alcarazla résistance de Novak Djokovic, les défis pour Arthur Fils et Ugo Humbert, la dernière saison à venir de Gaël Monfils, l'arrivée d'Alizé Cornet à la tête de l'équipe de France de BJK Cup, mais aussi ses projets et envies. ENTRETIEN.

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D’un coup, l’équilibre est bouleversé pour Carlos Alcaraz

Alors Guy, déjà tout simplement : comment allez-vous ? Est-ce que c’est votre temps est toujours partagé entre conférences, golf et un peu tennis ?

Oui, un petit peu tout ça. Je bouge pas mal, je suis un peu de loin bien sûr l’actualité — mais non, non : je ne m’ennuie pas, je ne m’ennuie pas du tout.

 

L’actualité chaude, voire très chaude, c’est la fin du tandem Ferrero–Alcaraz. C’est une info qui est tombée mercredi, personne ne l’a vraiment vu venir. Tout simplement : ça vous fait quoi, cette nouvelle ?

Ben… je suis un petit peu étonné. Je pense, comme pas mal de passionnés tennis, parce que la collaboration, elle était plus que fructueuse. On sait tout ce que Carlos Alcaraz doit à Juan Carlos Ferrero, qui l’a pris depuis de nombreuses années. Et on ne sait pas véritablement le fond — je ne dirais pas “du problème”, mais ce qui s’est réellement passé entre eux — en plus, à quelques semaines de la saison prochaine. Donc on peut imaginer qu’ils sont déjà en préparation. Voilà, ce n’est pas, j’imagine, le scénario idéal pour Carlos Alcaraz. Mais quand une collaboration se passe si bien avec autant de bons résultats, on peut toujours se dire : est-ce que la suite sera meilleure ? Ce sera difficile de faire mieux...

 

Les médias espagnols ont avancé deux raisons : une financière et l’autre, des tensions entre la famille — et notamment le père de Carlos Alcaraz — et Juan Carlos Ferrero. Ce sont des raisons que vous voyez souvent sur le circuit, mais peut-être plus rarement à ce niveau-là. Est-ce que c’est étonnant ?

La première hypothèse, je trouverais ça un peu bizarre, parce qu’aujourd’hui les sommes que génèrent Carlos Alcaraz ou Jannik Sinner sont tellement démesurées que… je veux dire : un entraîneur comme Juan Carlos Ferrero aujourd’hui, je ne peux pas imaginer qu’il n’ait pas pu être rémunéré à sa juste valeur. Donc si vraiment c’est le cas, c’est franchement ridicule, parce qu’un joueur qui doit générer, je ne sais pas, 30 millions d’euros par an, qui paye son entraîneur 800 000 ou 1 500 000… à l’arrivée, ça lui apporte tellement plus que ce qu’il pourra “défrayer”, en tout cas.

Après, la deuxième raison, qui est probablement la plus plausible à mon avis, c’est effectivement qu’à un moment donné, les tensions accumulées avec l’entourage — à tort ou à raison — souvent quand les choses parfois ne se passent pas très bien, ce n’est pas toujours le joueur en direct : c’est la fiancée, la femme, le papa, la maman, l’agent. Des fois, on sait qu’il y a des agents qui sont aujourd’hui au cœur d’un problème et qui, quelque part, attisent un petit peu les différends. Ce qui est dommage, je le répète une nouvelle fois, c’est que cette collaboration est tellement performante, tellement fructueuse… On sait ce que l’on a, on ne sait pas ce que l’on aura ensuite. Quand on a un jeune champion comme ça, à 22 ans, on a tout gagné avec son mentor… et d’un coup, l’équilibre est bouleversé.

 

"Il va peut-être lui falloir quelques semaines, ou un peu moins, pour trouver un nouvel équilibre"

Changement majeur : est-ce qu’on doit s’attendre à Carlos Alcaraz déstabilisé au moins pour la première moitié de 2026 ? Vous le voyez au contraire capable de passer cet obstacle sans encombre ?

C’est une question délicate parce que vous l’avez dit, il est jeune, il est encore en construction, malgré son niveau monstrueux. Et l’entourage est très important. Quand on regarde un joueur comme Rafael Nadal : pendant des années, plus d’une décennie — même deux décennies — il a toujours été avec son staff : préparateur physique, kiné, entraîneur, son oncle. Il y avait Francis Roig qui venait de temps en temps, il y avait Carlos Moyà sur la fin… Même si ça évoluait, je pense que Toni était un peu usé par la force du voyage.

Cette stabilité-là, elle lui a apporté une sérénité, une confiance en lui. Donc quand on enlève ce genre de choses et qu’on a 22 ans, c’est forcément un peu déstabilisant. Après, Alcaraz a un tel niveau de jeu — il a, avec Sinner, une telle avance sur les autres — que je ne le vois pas “perdre son tennis”. Il est trop fort pour cela. Maintenant, il peut arriver en finale contre Sinner, et quelque part être moins performant qu’il ne l’a été par le passé. Il va peut-être lui falloir quelques semaines, ou un peu moins, pour trouver un nouvel équilibre. Après, on peut penser qu’il va s’adjoindre les services de quelqu’un de compétent, d’expérience, qui le connaît très bien aussi… donc il ne part pas complètement dans l’inconnu non plus.

 

"Pour Novak Djokovic, ce sera difficile, mais dans son esprit de champion..."

Autre joueur attendu en début de saison : Novak Djokovic, forcément. 2026, 24e saison sur le circuit. Comment vous voyez la suite pour Novak : est-il est encore capable d’aller chercher l’Open d’Australie, et le 25e titre en Grand Chelem ?

Je crois que Novak ne peut plus préparer comme il le faisait par le passé, de par son âge, de par la difficulté, la dose d’entraînement qu’il s’imposait pendant toutes ces années. D’abord parce que son corps pourrait lâcher, donc il est obligé de faire très attention à sa récupération, à ses petits “bobos” qui commencent à surgir un peu de part et d’autre. Après, sa motivation reste là : je pense que s’il joue, une nouvelle fois, cette tournée, c’est qu’il s’en sent capable. Je ne le vois pas jouer l’Open d’Australie pour espérer faire un quart de finale ou une demi-finale. Il doit être convaincu qu’il peut encore, avec un peu de réussite, un bon tableau, s’il arrive en demi-finale avec pas trop de fatigue dans les jambes, il doit se dire qu’il est capable, sur un match, de battre peut-être Carlos Alcaraz. Dans les faits, ce sera difficile, certes, mais dans son esprit de champion, avec son ego, je pense qu’il en est convaincu.

C’est seulement au fil des échecs — les échecs, c’est quoi ? des défaites, ou encore pire des grosses blessures — qu’il se rendra à l’évidence qu’à un moment donné, je ne peux pas continuer à faire cette intensité-là. Mon âge fait que maintenant je commence à perdre des matchs, ou être en difficulté contre des joueurs contre qui je passais facilement au pas avant. Et là, il sera peut-être temps pour lui de planifier une retraite. Toutefois, évidemment, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Mais bon, voilà : un Grand Chelem de plus, une saison supplémentaire… On va le scruter avec beaucoup d’intérêt parce que, quand il se déplace bien sur le terrain, on l’a vu en fin de saison : il est capable de faire des matchs de très très haut niveau encore.

 

"J’ai envie d’être optimiste pour les Français"

Du côté des Français, saison mitigée. Arthur Fils, première partie de saison très intéressante, puis une blessure au moment de Roland-Garros qui “flingue” la deuxième partie d’année. On n’a pas de Français réellement proche du top 10. Comment vous voyez la situation de nos joueurs français ? Est-ce que vous êtes toujours optimiste pour la suite ?

Oui, j’ai envie d’être optimiste parce que quand on a des garçons comme Ugo Humbert, Arthur Fils, puis les autres aussi, qui ont quand même un grand potentiel… ce sont des joueurs qui peuvent rentrer dans le top 10. En tout cas, pour Mpetshi Perricard rentrer dans le top 20, je pense, il est perfectible. Il y a des garçons et il y en a d’autres qui peuvent aujourd’hui encore s’améliorer d’un point de vue purement tennistique — je ne parle pas de classement. Après, les raisons qui ont fait que Arthur et Ugo ont un tout petit peu reculé au classement, c’est essentiellement sur des pépins physiques. Ils sont jeunes, ils sont bien encadrés, ils ont un bon staff autour d’eux.

Moi, j’ai envie de voir le “vrai” Arthur Fils. C’est sûr : si Arthur, en début de saison, a encore des problèmes de dos, ça devient problématique, parce que là, on se pose des questions légitimes : est-ce que mon corps est capable de tenir justement l’exigence physique du très haut niveau ? Pour Ugo, je pense qu’il a déjà eu certaines réponses. Après, ce qu’il faut, c’est qu’il soit capable d’enchaîner des tournées en jouant son meilleur tennis. Et là, la balle est dans son camp. En tout cas, leurs qualités sont perceptibles. Je trouve encore qu’ils peuvent progresser techniquement, tactiquement. Je pense qu’Ugo, physiquement, prend encore un peu plus de “caisse” — ce qu’il est probablement en train de faire en ce moment, dans sa préparation hivernale. Donc j’espère qu’on les retrouvera l’un et l’autre avec une forme générale améliorée.

 

"Gaël Monfils est capable de faire de grandes choses encore"

En 2026, ce sera aussi particulier pour Gaël Monfils, sa dernière saison. On a eu la fin de Jo-Wilfried Tsonga, Richard Gasquet, Gilles Simon… et là, cette fois, Gaël Monfils : dernière saison. C'est une sacrée page du tennis français qui va se tourner en 2026.

Oui, malheureusement, quand on arrive — comme Rafa ou Novak — dans cette ère-là, d’abord en termes d’âge, bien sûr, il est évident que le corps ne répond plus de la même manière. On ne récupère pas comme avant, et l’exigence de l’entraînement pour être compétitif est usante. Je sais que parfois, il y a des petits “trous” à cause de ça. Revenir sans cesse, chaque jour, répéter ses gammes, taper des balles : c’est ça qui est frustrant et qui est usant, beaucoup plus que le match. Parce que quand je vois Gaël sur un terrain, moi j’ai l’impression de voir un junior, parfois encore. Il a cette fraîcheur, cette joie de jouer, de communiquer avec le public. Je l’ai vu faire des matchs où il jouait tactiquement mieux que jamais aujourd’hui, ce qui prouve qu’il est capable, approchant la quarantaine, encore de faire des matchs peut-être encore plus complets que par le passé, même s’il est peut-être un peu moins “endurant”, un petit peu moins rapide.

C’est un joueur exceptionnel, Gaël. J’espère que son corps le laissera tranquille. Il a fixé sa date. J’espère que, dans ce laps de temps, et je suis convaincu, il est capable de faire de grandes choses encore. Alors on ne va pas mettre d’objectif sur des Grands Chelems parce que ce serait prématuré, idiot à ce stade-là, mais je suis sûr qu’il peut battre encore certains des meilleurs joueurs du monde. Quand on a ce potentiel-là, et que le corps suit, il peut faire des quarts de finale dans les plus grands tournois du monde… et puis, pourquoi pas des demies et après…

 

Finalement, ce n’est pas juste une approche de “kiffer” sur le court : vous le voyez encore compétitif et capable de coups pour 2026 ?

Mais les deux ne sont pas incompatibles. On peut régaler sur le terrain, ce qui n’empêche pas d’être très compétitif. On sait que par le passé, parfois, il pouvait avoir du mal à s’imposer tactiquement, en étant plus offensif. Aujourd’hui, j’ai le sentiment qu’il le fait beaucoup plus. Et à mon avis, c’est dans ce sens-là qu’il devrait aller : prendre du plaisir en étant créatif, et Dieu sait s’il a le talent et les coups dans sa raquette pour le faire.

C’est comme ça que j’aimerais le voir jouer et quitter la scène internationale. Je préférerais presque le voir faire régulièrement des quarts et demi-finales en étant créatif, offensif, en jouant avec ses qualités extraordinaires, plutôt que de me dire : “Oui, il est monté dans le top 30, mais c’était un peu laborieux, il s’arrachait, il se bagarrait.” J’ai toujours pensé que Gaël était un puncheur, si on compare à un boxeur : pas quelqu’un qui doit gagner ses matchs aux points. Et par le passé, le reproche que, des fois, je lui ai adressé, c’est qu’il battait des joueurs aux points, alors qu’il pouvait gagner par KO très vite. Ce que faisaient Nadal, Federer, ce que font certains autres joueurs… je pense à Wawrinka. Des joueurs plutôt de fond de court, qui ont essayé, sur leur fin de carrière, d’être plus “séquences courtes”.

 

"Je ne vois pas pourquoi Loïs Boisson doit se limiter uniquement aujourd’hui à la terre battue"

Chez les dames, le tableau est un peu différent. On commence avec le positif : Loïs Boisson, révélation 2025 avec sa demi-finale à Roland-Garros. Plus compliqué ensuite, notamment à cause d’une blessure. Comment vous voyez la suite pour Loïs ? Quelles sont les “pièges” à éviter selon vous ?

Ça a été un bol d’air frais, cette éclosion au plus haut niveau. Loïs a été étonnante : son enthousiasme, sa fraîcheur, sa pugnacité, mais aussi ses choix offensifs marqués, en coup droit. Elle a, je trouve, un jeu qui — sans être trop sévère — est assez déséquilibré : elle a un coup droit monstrueux, et elle a un revers qui est quand même largement en dessous de l’ensemble. Et elle arrive, avec finalement un jeu de fond du court un peu déséquilibré, à prendre plus de risques en coup droit, à varier les effets… et j’ai adoré la voir comme ça aller presque jusqu’au bout du tournoi, avec un jeu à ce point déséquilibré.

Donc je pense qu’elle doit essayer, avec son staff technique, de garder ses coups forts, son coup droit notamment, et améliorer son côté revers pour que ça devienne un coup plus stable, où elle trouve un peu plus de longueur. C’est grand, Loïs. Elle a un futur que je trouve très encourageant. Si je la compare à une des plus grandes championnes de l’histoire qui avait un énorme coup droit et un revers avec lequel elle ne “faisait pas de points”, c’est Steffi Graf. Mais Steffi, en revers, elle ne ratait pas un coup, elle mettait la balle où elle voulait, et elle attendait une fois, retournait autour, prenait en coup droit et fermait à l’adversaire.

Je mets la barre très haut, mais c’est un peu inspiré de ce style de jeu qu’elle devrait essayer de viser. Après, je ne veux pas lui mettre de pression : “il faut qu’elle gagne des Grands Chelems”, mais Graf, elle a gagné sur gazon, sur terre battue, sur dur, elle a gagné partout. Donc je sais qu’elle a eu un parcours difficile sur gazon à Wimbledon cette année. Mais justement, ça va lui servir dans les saisons prochaines à rééquilibrer son jeu. Et comme elle se déplace très bien, elle a une naïveté formidable… je ne vois pas pourquoi elle doit se limiter uniquement aujourd’hui à la terre battue.

 

"Il y a de bonnes raisons d’envisager la suite avec optimisme"

Vous parlez de pression : la pression est là aussi parce qu’il y a peu de joueuses françaises. C’est difficile d’avoir des Françaises dans le top 100. On a du mal à voir des potentiels… Vous, vous êtes inquiet ou vous arrivez à voir des signaux positifs pour le tennis féminin français ?

Je ne suis vraiment pas ça de près. Je ne connais pas exactement les jeunes joueuses qui arrivent, je ne sais pas où elles en sont. Donc je m’abstiens aujourd’hui de porter un regard précis sur ce qui se passe. Maintenant, l’avantage de Loïs, quand elle arrive en tournoi, qu’elle est avec des joueuses étrangères dans les vestiaires, et qu’elle a en face une Russe, une Slovaque, une Française ou une Italienne, je veux dire : le constat reste le même. Donc je ne pense pas que le fait qu’il n’y ait pas de joueuse “phare” française va la pénaliser. Au contraire. Je pense qu’aujourd’hui, on parle beaucoup d’elle. Celle qui est en avant, je pense qu’elle peut porter cette responsabilité. Et ses choix depuis qu’elle est toute petite, je pense que oui : ça joue pour être la meilleure joueuse française, et pourquoi pas un jour une des meilleures joueuses du monde. Ce qu’elle nous a montré cette année est très encourageant, c’est frais, et elle aussi est perfectible. Donc je crois qu’il y a de bonnes raisons d’envisager la suite avec optimisme. 

Quant aux autres : il faut travailler. En France, on a la chance d’avoir des structures dans les clubs, dans les ligues, au CNE, des entraîneurs compétents, des moyens de faire jouer des tournois, d’envoyer les jeunes sur des tournois de premier plan. Après, on ne peut pas blâmer un système. Je crois que ce sont vraiment les joueuses professionnelles et celles qui ont ce rêve de le devenir qui doivent se dire : “Il faut que je redouble d’efforts pour un jour arriver à jouer à Roland-Garros, et pourquoi pas me retrouver en deuxième semaine.”

 

"Alizé Cornet va être confrontée à des choix délicats"

En tant qu’ex-capitaine des équipes de France, votre regard m’intéresse sur la nomination d’Alizé Cornet. Déjà : est-ce que vous avez été surpris de la voir arriver aussi vite, après la fin de sa carrière, en tant que capitaine ? Et ça vous inspire quoi, simplement ?

Oui, c’est arrivé vite. Mais c’est arrivé vite me concernant aussi, à l’époque où Yannick Noah avait arrêté son rôle de capitaine. Le problème, quand on se retrouve dans cette posture-là, c’est qu’on n’est jamais préparé. On croit naïvement que parce qu’on connaît le tennis, parce qu’on a joué, qu’on connaît les joueuses, les choses vont bien se passer et qu’on va être forcément d’entrée un capitaine performant. Moi aussi, j’avais cette certitude… et être capitaine, ce n’est pas parce qu’on a été un bon joueur qu’on devient un bon capitaine. Et ce n’est pas parce qu’on aime la Coupe Davis ou la Billie Jean King Cup qu’on est un bon capitaine. Ce sont des choses qu’on apprend sur le tas.

Moi, je n’ai pas eu de formation, j’ai un peu galéré au début, et au fil des ans j’ai trouvé ma place : j’ai réussi à parler différemment à certains joueurs plutôt qu’à d’autres, à mettre des règles strictes en place, un peu comme un entraîneur de foot. Et ça, certains y arrivent plus vite que d’autres. Alizé va être confrontée à des choix délicats : imposer son style, être convaincue que c’est la meilleure manière de faire. Le jeu, elle le connaît très bien. Après, il faut créer une dynamique à l’année, une proximité avec les entraîneurs des joueuses, faire de cet objectif une priorité, faire les bons choix au bon moment. Sur la chaise : arriver à calmer lorsque les choses deviennent émotives, faire en sorte qu’elles se transcendent dans les rendez-vous… C’est sûr qu’on est toujours un meilleur capitaine après deux, trois, quatre saisons que lors de la première.

 

"Elle part un peu dans l’inconnu. Elle va faire des choix parfois délicats"

La particularité intéressante de sa nomination, c’est qu’elle n’a pas seulement la casquette de capitaine : elle a un rôle aussi sur tout le tennis féminin français à la Fédération. Vous trouvez que c’est une bonne chose d’avoir une sorte de “manager général” ?

C’est un choix courageux, parce qu’on l’a sollicitée et elle l’a accepté. C’est courageux. Maintenant, je le répète : pour l’instant, elle n’a pas entraîné personne, elle n’a pas dirigé d’équipe. Elle va donc apprendre sur le tas, avec des adjoints, avec des gens qui vont l’aider, qui vont l’accompagner. Donc elle part un peu dans l’inconnu. Elle va faire des choix parfois délicats, avec la hiérarchie à la Fédération française de tennis. Ce n’est pas anodin comme elle commence. Je crois qu’il va falloir être patient. Je vois les médias déjà à Roland-Garros, et s’il n’y a pas de bons résultats, comme si elle était la responsable. Il faudra qu’elle explique les raisons des échecs des joueuses françaises… Alors que c’est beaucoup plus complexe que ça. Donc, mettre en place… ça portera ses fruits au fil des mois et des années. Ce qu’elle a pour elle : la jeunesse, la passion du jeu. Et j’espère qu’elle sera bien entourée pour mettre en place des choses nouvelles dans le tennis français.

 

"J’ai complètement quitté le milieu tennistique français aujourd’hui. Donc je regarde, j’observe, j’écoute les uns et les autres"

Et vous, de votre côté ? Vous avez eu de multiples casquettes dans le tennis. Comment vous voyez la suite ? Vous vous voyez revenir avec un rôle majeur, ou rester un peu en retrait ?

Je suis de loin. J’ai complètement quitté le milieu tennistique français aujourd’hui. Donc je regarde, j’observe, j’écoute les uns et les autres. Je vois certaines choses qui sont parfois chouettes, d’autres qui me plaisent un petit peu moins. Mais bon, c’est quand on est aux affaires qu’on peut faire changer, bouger les choses. Je ne me vois pas aujourd’hui critiquer quoi que ce soit, parce que je le répète : il y a des tas de gens dans notre fédération, dans le pays, dans les ligues, dans les clubs, qui font un travail remarquable avec les jeunes garçons, les jeunes filles ; des entraîneurs qui sont formidables. Il y a un travail fait dans l’ombre.

Le grand public regarde Roland, le Rolex Paris Masters, la Coupe Davis, la Billie Jean King Cup… puis on tire des conclusions sur ce qu’on voit à la télévision. C’est beaucoup plus complexe que ça : gérer au quotidien des jeunes, les faire progresser, les valoriser, les stimuler en permanence. Je ne suis pas du tout aux commandes. J’observe ça de loin, et je ne suis jamais aussi content que lorsqu’un Français ou une Française joue bien dans un gros tournoi.

 

"Je pourrais faire encore plein de choses dans cette fédération..."

On a bien compris qu’il y avait peu de fonctions qui pourraient vraiment vous faire revenir. Mais côté entraîneur par exemple — un joueur pas forcément de premier plan, mais avec du potentiel — ou un rôle de consultant, comme on a pu le voir (exemple Toni Nadal avec Félix Auger-Aliassime) : ce genre de fonction, ça pourrait vous plaire ?

Écoutez, moi, tout m’intéresse dans le tennis, si j’ai du temps libre. Il se trouve que ça ne s’est pas présenté. Aujourd’hui, j’ai quitté un peu le “système fédéral” parce qu’il y avait des gens qui ne souhaitaient pas travailler avec moi. Je pense que dans cette fédération, pour avoir fait beaucoup de choses, je pourrais faire encore plein de choses, et peut-être même mieux que certains. C’est mon analyse, mais j’ai confiance en moi : je pense que je connais bien le tennis. Je suis quand même les tournois à la télévision. Et que ce soit avec un jeune, un moins jeune… Oui, coach ou consultant, c’est quelque chose qui pourrait se produire à l’avenir.

 

"C’est trop facile de critiquer. Après, il y a des personnalités, des modes de fonctionnement qui ne me plaisent pas"

Vous parlez de la fédération, du fait d’avoir eu des différends : est-ce qu’on arrive à digérer le fait que certains nous mettent à l’écart, quand on a, comme vous, donné beaucoup d’énergie et de temps ? Est-ce qu’on digère, ou ça reste toujours quelque chose qui fait mal ?

Non, la vie continue. Après, une nouvelle fois, je suis très redevable, et très conscient de tout ce que la fédération m’a apporté depuis mes plus jeunes années. Donc je le répète : la fédération, dans les clubs, dans les ligues, fait un travail remarquable. Souvent, des journalistes ou des gens dehors du système critiquent : il ne faut pas — c’est trop facile de critiquer. Après, il y a des personnalités, des modes de fonctionnement qui ne me plaisent pas. Moi, je suis plutôt quelqu’un de consensuel. J’ai fait des erreurs, j’en ferai probablement d’autres, mais ce qui reste, une fois qu’on s’en va, ce sont les rapports humains qu’on a eus avec les uns et les autres.

J’ai envie de penser que, dans la majeure partie du tennis français — ou international — j’ai eu de très bons rapports avec tout le monde. J’ai toujours essayé de faire avancer les choses de manière chaleureuse, consensuelle. Et voilà : c’est un petit milieu. Il y a des gens à l’intérieur de la maison qui sont malheureux, qui ne peuvent rien dire, ou souffrent de certains modes de fonctionnement. Je ne vais pas revenir sur Nicolas Escudé, qui est un copain, parce que c’est partout dans les journaux, donc je ne “dévoile” rien. Ce sont des choses qui me touchent forcément, parce qu’on est joueurs entre nous, on est solidaires. Tous les gens qui évoluent dans le tennis le font par passion, par amour du jeu. Et malheureusement, il y a parfois des choses difficiles à affronter. Donc oui, quand je sais qu’il y a des choses délicates, ça m’affecte, parce que j’aime beaucoup cette maison et que je lui dois beaucoup.

 

"Président de la FFT ? Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas une responsabilité simple à gérer, et c’est un gros challenge"

Et l’idée d’être président, c’est quelque chose qui peut vous traverser ? Ou vous écartez ça ?

Quand j’étais joueur, je ne pensais pas qu’un jour je gagnerais la Coupe Davis, ou le Masters 1000 de Paris, ou être numéro un français… et puis ça s’est produit. Après, je me suis retrouvé capitaine très vite, puis directeur du Rolex Paris Masters, puis de Roland-Garros… ce que je n’avais pas envisagé. J’ai toujours eu un regard très tendre sur mon sport, sur les gens qui font tourner cette maison : il y en a des centaines. Donc si un jour je peux contribuer… On a parlé de l’entraînement, des ligues… d’avoir des responsabilités : c’est ce qui peut se produire. Même si ce n’est pas du tout une priorité aujourd’hui.

On a vu, parmi nos dirigeants, des présidents divers et variés, et la maison a continué de fonctionner. Donc je ne suis pas inquiet pour l’avenir du tennis, même si chacun fait les choses à sa manière. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas une responsabilité simple à gérer, et c’est un gros challenge.

 

"Les campagnes sont devenues très politiques. Et non, ce n’est pas quelque chose qui me plaît"

Parce qu’on touche un petit peu à la politique, finalement. Quand on est un homme de terrain, ça peut repousser, non ?

Ah si, quand même. Moi, la politique en général me déplaît fortement, et de plus en plus. Les campagnes sont devenues très politiques. Et non, ce n’est pas quelque chose qui me plaît. Parce que là où on devrait tous ensemble avoir un projet commun, mettre les bonnes personnes au bon poste, créer une dynamique positive, faire en sorte que chacun puisse travailler dans la bonne humeur… ce n’est pas toujours le cas. Il y a eu des “dramas”, des gens qui ont énormément souffert, des mises à l’écart, des trahisons, des choses très dures, qui sortent dans les médias. Donc non : c’est un milieu impitoyable. Je ne pense pas autant que la politique qu’on voit à l’Assemblée nationale aujourd’hui — là, c’est encore un niveau supérieur — mais c’est vrai qu’on tend de plus en plus vers ce genre de choses. C’est l’évolution du temps.

 

"Je pense qu’on peut demander beaucoup aux gens avec qui on travaille lorsqu’on les aime"

Vous y seriez allé avant, si le contexte que vous présentez-là était différent ?

 Non… mais tout s’est passé très vite. Moi, entre-temps, j’ai quitté les fonctions qui étaient les miennes à la fédération. C’était très prématuré de me lancer dans une liste ou une ligue. Je pense que c’est bien qu’il y ait une opposition, parce que par le passé, certains reprochaient à des présidents de gouverner de manière autoritaire, de prendre seuls des décisions. Ça remontait à l’époque de Christian Bîmes, on l’a reproché à Bernard Giudicelli fortement. Et aujourd’hui, ça s’est passé aussi, comme souvent, de la même manière avec le président actuel. Une fois qu’on est président, c’est un rôle qui n’est pas simple. Et pour ces raisons-là, ce n’est pas forcément quelque chose qui m'attire aujourd'hui... (sourire).

Moi, je n’ai jamais travaillé comme cela. J’ai toujours voulu déléguer, travailler avec des gens en qui j’ai confiance, des gens extrêmement compétents à leur poste, et mettre les bonnes personnes à la bonne place. Lorsque j’étais capitaine, je pense que j’ai plutôt bien réussi à avoir une relation parfois très amicale avec mes joueurs. Et je pense qu’on peut demander beaucoup aux gens avec qui on travaille lorsqu’on les aime. Être manager, quelque part, c’est aussi être apprécié de ses équipes, sentir qu’il y a une confiance mutuelle, un respect profond. Et c’est comme ça, je trouve, qu’on avance bien.

Et d’ailleurs, on a parlé tout à l’heure de Carlos Alcaraz avec son entraîneur : je pense qu’il avait réussi justement cette collaboration, qui, malheureusement, se brise un petit peu là, à la fin. Et toutes les campagnes de Coupe Davis… c’est quand on était dans cet esprit-là. À partir du moment où ça ne l’est plus — quel qu’en soit le responsable, le capitaine, les joueurs — quand il n’y a plus cette volonté de travailler ensemble, on se retrouve dans le conflit, et forcément, un manque de résultats.

 

On peut vous souhaiter quoi, tout simplement, pour la suite ?

Moi, je vais très bien. Ce que je souhaite surtout, c’est aux joueurs et aux joueuses françaises de nous faire rêver cette année. 



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3 ALL ZVEREV Alexander5160 pts
4 SRB DJOKOVIC Novak4830 pts
5 CAN AUGER-ALIASSIME Felix4245 pts
6 AUS DE MINAUR Alex4135 pts
7 USA FRITZ Taylor4135 pts
8 ITA MUSETTI Lorenzo4040 pts
9 USA SHELTON Ben3970 pts
10 GBR DRAPER Jack2990 pts

Classement Mondial WTA

1 BLR SABALENKA Aryna10870 pts
2 POL SWIATEK Iga8395 pts
3 USA GAUFF Cori6763 pts
4 USA ANISIMOVA Amanda6228 pts
5 KAZ RYBAKINA Elena5850 pts
6 USA PEGULA Jessica5583 pts
7 USA KEYS Madison4335 pts
8 ITA PAOLINI Jasmine4325 pts
9 RUS ANDREEVA Mirra4319 pts
10 RUS ALEXANDROVA Ekaterina3375 pts
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