Tennis. INTERVIEW - Valentin Royer, 57e mondial : "J'ai toujours rêvé d'être là..."
Valentin Royer fait partie des belles histoires de la saison 2025. Le 13 janvier dernier, il pointait au 209e rang mondial. Onze mois plus tard, le Français a su finir 57e mondial. Un bond énorme pour le joueur de 24 ans, récompensé de son travail acharné depuis de longues années, notamment avec son coach Julien Gillet.
Vidéo -
Lire la suite de l'article
Il y a d'abord eu l'explosion sur le circuit Challenger avec deux titres à Kigali et une série de 14 victoires. Ensuite, le premier tableau de Grand Chelem à Roland-Garros, puis la première victoire en Grand Chelem à Wimbledon, contre Stefanos Tsitsipas (abandon). Surtout, Royer a vécu un moment fort en Chine avec une première finale ATP à Hangzhou en sortant des qualifications, avec des victoires sur Andrey Rublev, Learner Tien et Corentin Moutet. 61 victoires toutes compétitions confondues sur l’année. Pour Tennis Actu, Valentin Royer est revenu sur sa superbe saison et a évoqué 2026. INTERVIEW.
"Si on m’avait proposé ça, j’aurais signé direct"
Comment tu te sens après ta folle saison 2025 ? Tu as joué 92 matchs en simple, si je ne me trompe pas… et tu bascules déjà sur 2026.
Valentin Royer : Écoute, avant de partir en vacances : fatigué, fatigué… mais heureux d’avoir sorti une saison très positive, vraiment, qui restera gravée en moi pendant longtemps. Il y a eu beaucoup de premières fois cette année : première fois dans un tableau de Grand Chelem, première fois où je passe un tour dans un tableau principal de Grand Chelem… Il y a eu beaucoup de premières fois. Donc je suis très content d’avoir fini cette saison de la meilleure des manières, surtout sur la tournée chinoise, avec la première finale sur le circuit principal.
Et puis je suis rentré en vacances il y a trois semaines… enfin, deux semaines, pardon. Donc oui, je suis requinqué pour aborder la saison prochaine de la meilleure des manières. Et puis bosser tout ce qu’il y a à travailler : notamment le service, le retour, des coups comme ça. Je ne vais pas vous le cacher, je ne vais pas vous “révolutionner” ça : ce sont des choses importantes, primordiales. Et voilà, j’ai vraiment envie de la suite, j’ai hâte de commencer la saison prochaine sur les courts.
Tu étais 209e en janvier, tu finis 57e. C’est quand même complètement fou quand on y pense.
Oui, c’est sûr que si on m’avait proposé ça, j’aurais signé direct. Comme je l’ai déjà dit, je ne pense pas qu’il y ait eu un “déclic”, mais en tout cas il y a eu… je pense que c’est le travail acharné qui paye. C’est plein d’années de travail, notamment ces trois dernières années, qui ont fait qu’avec Julien, mon coach (Julien Gillet), on a vraiment bien travaillé, on a beaucoup progressé sur beaucoup de domaines, et je pense que c’est grâce à ça.
Notamment aussi le fait d’avoir un préparateur mental : je pense que ça m’a beaucoup aidé à performer dans les moments importants, là où, les dernières années, j’avais un peu plus de mal. Cette année, je pense qu’il y a eu un déclic mentalement là-dessus. Après, mon entraîneur n’était pas plus surpris que ça de me voir performer comme ça, parce qu’avec tout l’investissement derrière et tout le travail fourni, à un moment donné, tu as des résultats qui viennent, que ce soit plus tôt, moins tôt, ou plus tard, peu importe. Donc voilà : on est super heureux de cette saison, et maintenant on regarde devant, on aborde 2026.
"Je me rendais compte que j’étais à une place dont j’ai toujours rêvé"
Sur cette semaine-là, à Hangzhou, tu bats un top 15 (Andrey Rublev). La semaine est folle, même la finale (perdue contre Alexander Bublik)… À la fin, tu étais très ému en évoquant ton parcours. Qu’est-ce qui a fait que tu étais ému à ce point-là ? Les sacrifices, tout ça qui remonte ?
Bien sûr. Parce que toute la semaine, j’étais un peu “dans le guidon”. Les matchs s’enchaînaient tous les jours, pas vraiment de jour de repos. J’ai eu un jour de repos après mon deuxième tour des qualifs, quand je me qualifie. Et puis après, tous les matchs se sont enchaînés jusqu’à la fin de la semaine. Donc j’étais un peu dans le guidon, et c’est aussi ce qui m’a permis de performer au plus haut niveau : tu n’as pas le temps de réfléchir à ce qui se passe, tu n’as pas le temps de réaliser… tu joues, tu joues, et voilà. Et l’émotion à la fin de la finale… c’était beaucoup de choses qui revenaient en tête : tous les sacrifices qu’on a faits pour en arriver là. Et je me rendais compte que j’étais à une place dont j’ai toujours rêvé : disputer des finales sur le circuit principal, me rapprocher de ce niveau-là.
Donc ce n’est pas passé très loin ce jour-là, malheureusement, mais c’est une place que j’ai toujours rêvé d’avoir. Et surtout, je me sentais à ma place. Je ne me sentais pas du tout comme un alien, à me dire “je ne sais pas trop ce que je fais là”. Non : pour moi j’étais à ma place, j’étais bien, je me sentais bien là où j’étais. Ça, c’était le principal.
"J’ai envie qu’ils viennent voir un joueur qui se comporte bien, qui joue bien au tennis, qui respecte le public"
Il y a une séquence que je trouve intéressante : tu as une réaction sur le court à Bâle contre Denis Shapovalov, tu casses une raquette, et derrière tu communiques, tu présentes tes excuses. Ça fait partie de l’apprentissage, et tu tiens vraiment à l’image que tu as envie de donner aux plus jeunes, c’était ça la raison ?
Oui, bien sûr. On a tous le droit d’être énervé, de casser une raquette, de faire des choses qui ne sont pas exemplaires. Maintenant, ce n’est pas l’image que j’ai envie de transmettre, surtout aux jeunes qui peuvent me regarder et me suivre. Parce que maintenant, mes matchs seront plus télévisés et plus retransmis, donc forcément les gens regardent. Donc j’ai fait ce message parce que ce n’est pas l’image que j’ai envie de transmettre, et je trouve que ça ne donne pas l’exemple.
Je fais aussi attention à mon image par rapport au public, aux gens qui m’entourent, et aux gens qui viennent me voir jouer. Ils me disent qu’ils aiment bien venir me voir jouer. J’ai envie qu’ils viennent voir un joueur qui se comporte bien, qui joue bien au tennis, qui respecte le public, et qui est combatif. C’est ça l’image que j’ai envie de montrer.
Est-ce que tu as senti un grand changement médiatiquement cette année ? Beaucoup plus de sollicitations… Comment tu vis ça ?
Oui, j’ai senti un gros changement médiatique. Il y a plus de médias qui s’intéressent à moi, je suis plus exposé. Donc oui, je ne peux pas dire le contraire. Comment j’ai géré ça ? Je pense que je l’ai plutôt bien géré. Au début, je disais un peu tout ce qui me passait par la tête aux médias, et je pense que ce n’est pas bon non plus. Je le disais d’une manière où je me mettais un peu la pression, en disant : “maintenant je suis à tel niveau, je ne perds pas contre un joueur moins bien”, ce qui n’est pas vrai. Même si je crois que c’est une pression inutile que je me mets. Mais j’ai eu la chance d’être bien entouré cette année, avec de bonnes personnes dans ma team, qui m’aident à gérer ça du mieux possible.
Et tu arrives à prendre l’habitude ? Ce n’est pas trop stressant : médias, sollicitations…?
Bien sûr. Conférences de presse, interviews, tout ça, j’essaie de gérer de la meilleure manière possible, sans que ça me prenne trop d’énergie. Mais ça fait partie du truc, ça fait partie du métier : entre les matchs, après les matchs… C’est un élément que je ne peux pas contrôler, donc j’essaie de m’adapter au mieux, pour dépenser le moins d’énergie possible et transmettre ce que j’ai envie de transmettre aux gens qui regardent le tennis : une bonne image de moi.
"Je suis le même mec qu’il y a un an, qu’il y a deux ans"
Et d’un point de vue économique / prize money, j’imagine que c’est une fierté d’arriver à un moment de son projet où on se dit : “je récolte le fruit de mon boulot”. Sponsors, conditions de voyage… Ça a dû être un grand changement pour toi et ton projet ?
Grand changement, je ne dirais pas ça, parce que ça n’a pas non plus changé ma vie. Certes, j’ai gagné beaucoup plus d’argent. D’ailleurs, c’est assez “marrant” parce que quand on est petit, on s’imagine des choses… et au final, ça ne m’a pas tant changé. Je suis le même mec qu’il y a un an, qu’il y a deux ans. Je suis affamé, j’ai envie de performer, d’aller chercher des plus gros joueurs, des titres. J’ai toujours cette hargne.
Et l’entourage fait du bien aussi : bien s’entourer, ça contribue à garder les pieds sur terre, même quand on gagne plus d’argent. Et ça permet d’être mieux accompagné, de voyager dans de meilleures conditions. C’est surtout ça que ça a changé. Mais ça n’a rien changé dans ma manière de voir les choses, ni dans ma personnalité. Je pense que c’est une forme d’éducation et d’entourage.
"L’objectif, c’est de rester dans le top 100, de performer, de faire une année complète sur le circuit principal"
En avril, tu confiais à Tennis Actu que le top 100 était l’objectif. Objectif atteint. En 2026, ce serait quoi que tu as envie de te fixer ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure, moi je ne me donne pas de pression, surtout quand je parle aux médias. L’objectif est clair : rester dans le top 100, pouvoir faire une année complète sur le circuit principal. Après, comme je dis toujours, je ne me donne pas de limites, donc pourquoi pas… Mais l’objectif, c’est de rester dans le top 100, de performer, de faire une année complète sur le circuit principal, dans les Grands Chelems, dans les tableaux de Grands Chelems. Ce serait déjà une année très réussie.
Tu as connu les Grands Chelems. Tu nous disais que ça faisait partie de tes rêves. Découvrir les sites, la grandeur… ça doit être dingue. Est-ce que maintenant tes rêves se sont un peu “actualisés” ? Il y en a d’autres qui sont venus en tête après avoir accompli ça ?
Les rêves, c’est les mêmes que quand j’étais gosse : soulever des titres du Grand Chelem. J’en suis encore loin. Mais ça reste toujours un rêve, ça reste toujours quelque chose qui peut arriver avec le boulot et le temps, pourquoi pas un jour. Mais pour l’instant, j’ai toujours rêvé d’être là, sur les Grands Chelems, sur le circuit principal, de côtoyer les meilleurs joueurs du monde. C’est ce qui se passe en ce moment. Donc garder ça, continuer à bosser pour monter au classement, et peut-être un jour faire partie des meilleurs joueurs du monde : ce serait maintenant plus un objectif qu’un rêve.
"Je n’ai pas de problème avec tel ou tel joueur, je suis ok avec tout le monde. Je suis dans le partage"
Et tu arrives à avoir des discussions avec les meilleurs ? Tirer des conseils, ce genre de choses ?
Ça dépend avec qui. Mais on se tire la bourre. On déjeune ensemble, il n’y a pas de… En tout cas, moi, je n’ai pas de problème avec tel ou tel joueur, je suis ok avec tout le monde. Je suis dans le partage, j’essaie en tout cas. Après, j’ai mes potes sur les tournois, donc ça se passe plutôt bien quand on discute. Mais il n’y a rien du style : “je vais essayer de lui parler pour qu’il me donne un conseil sur comment faire”, non, ce n’est pas forcément comme ça.
Conclusion : qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la tournée 2026 qui approche ?
De rester en bonne santé. Je pense que c’est hyper important, parce que pour faire une saison pleine sur le circuit principal, il faut ne pas se blesser. Donc comme on dit souvent : la santé en premier. Prendre soin de mon corps, parce que c’est mon outil de travail.
Et pourquoi pas un premier petit titre, après avoir frôlé l’exploit à Hangzhou…
Peut-être....

Kyrian Jacquet, wild-card à Melbourne : "Hyper fier et reconnaissant"