Tennis. Roland-Garros - Corentin Moutet : 79 000 euros à investir

Cela avait très bien commencé. Qu'est-ce qui a fait que cela a coincé au moment de conclure au premier set ?

Qu'est-ce qui a fait que cela a coincé ? J'ai envie de dire qu’il est 9^ème mondial. Je pense que le niveau a parlé. C'est un meilleur joueur que moi aujourd'hui en termes de niveau, et dans tous les domaines. J'ai fait ce que j'ai pu pour essayer de le dominer et prendre le dessus sur le match, être plus offensif et agressif que lui. J'ai réussi à le faire pendant un certain temps. Physiquement aujourd'hui, à mon âge, je n'ai pas encore assez travaillé, je n'ai pas encore assez de travail par rapport à lui, donc j'ai calé physiquement. Ce n'est pas facile de mettre l'intensité que j'ai mise jusqu'à 5-2 pendant tout le match. C'est ce qui me manque aujourd'hui. J'ai très bien joué, je l'ai fait rater au début. Après, il a mieux joué, j'en ai mis un peu moins, et cela a tourné, j'ai envie de dire un peu « logiquement », même si je suis toujours déçu de perdre. C'est un meilleur joueur, tout simplement.

Est-ce qu'après ce résultat, ce parcours, vous vous dites que les efforts d'entraînement, de votre famille aussi au plan financier, ce n'était pas vain ? Est-ce que vous vous dites : je suis sur la bonne voie, il faut s'accrocher, je suis en train, entre guillemets, de rembourser les efforts qui ont été faits ?

On parle de financier pur ? C'est très financier la question, non ? C'est juste pour que je sache quoi répondre.

Je vous la refais.

Je crois que c'est un chèque pas mal. Entre nous, je crois que c'est pas mal. 79.

Vous êtes un jeune joueur talentueux, qui fait beaucoup d'efforts pour y arriver. Cela n'a pas forcément payé. Vous avez votre caractère, aussi, en junior. Cela vous a été reproché. Votre famille investit beaucoup sur vous. Passer un tour à Roland-Garros, il y a ce chèque, il y a cette performance aussi. Vous vous dites : il faut s'accrocher, je ne suis pas loin d'effacer, peut-être, les bêtises que j'avais faites avant.

Pour commencer, je n'ai fait aucune bêtise. Même si je ne suis pas toujours sage, je n'ai fait aucune bêtise. On a des hauts et des bas, comme tout le monde, j'ai envie de dire. Non, je n'ai rien envie d'effacer. Tout le passé que j'ai eu, je l'accepte, et je l'assume. Après, j'essaye de ne pas trop penser à ce qui s'est passé, essayer de voir plutôt loin, voir ce qu'il se passe devant. Non, ce n'est pas le chèque qui va me faire continuer à travailler. C'est plus pour continuer à gagner des matchs et moins sortir souvent en étant défaitiste, en ayant perdu. C'est cela qui va me booster pour continuer à m'entraîner, et gagner plus de matchs que je n'en perds.

L’axe de travail avec Laurent, au-delà du physique, puisque tu en parlais, c'est aussi peut-être le service, pour essayer d'avoir un peu plus de points gratuits et améliorer la première balle, ou pas du tout ?

C’est marrant, parce que j'ai l'impression d'avoir un point de vue et une question en même temps. Apparemment, j'ai l'impression que pour vous, il faut que je travaille le service. Le service, le coup droit, j'ai tout à améliorer. Je suis encore un jeune joueur. Je ne suis pas parfait, je ne le serai jamais, malheureusement. J'ai tous les domaines à travailler, et le service en fait partie. Je pense que j'ai une bonne marge de progression dans tous les domaines. Je ne suis pas du tout à 100 % dans tous mes coups. J'ai tout à améliorer, le service en fait partie, mais pas que.

Quand on joue un grand joueur, un Top 10 mondial, donc un grand joueur, et que l'on est jeune, on apprend souvent beaucoup face à lui, puisqu’il y a un effet miroir. Qu'est-ce que tu as appris ? Cela montre souvent ses propres limites. Toi, qu'est-ce que tu as vu lors de ce match ? Tu t'es dit j'ai cela et cela à travailler ?

C'est très juste. J'essaye de beaucoup apprendre de mes adversaires. Souvent, ils sont mieux classés, ils ont une meilleure carrière. Là, j'avais affaire à un des meilleurs joueurs du monde. Forcément, j'ai essayé d'apprendre, j'étais un peu l'élève aujourd'hui. Même si j'étais parti pour gagner et que j'ai tout fait pour gagner, j'ai essayé d'apprendre de lui, de sa façon de gérer le match, sa façon de jouer, tout simplement. Apprendre beaucoup, c'était hyper enrichissant, et même si j'ai perdu assez sévèrement les deux derniers sets, j'ai beaucoup appris. Je pense que cela me servira beaucoup pour la suite, grâce à lui, évidemment.

Tu ne t'étais jamais entraîné avec lui ?

J'avais tapé une fois avec lui. C'est totalement différent.

Tu as gagné ton premier match cette année sur le grand circuit, ton premier match en Grand Chelem. Quel objectif tu te donnes pour la fin de la saison, et la suite ?

En termes de classement et résultat, vraiment rien, rien du tout. J'ai fait une très bonne fin de saison l'année dernière, j'ai beaucoup de points cet été. Ce serait un peu débile de se fixer des objectifs de classement. Je vais essayer de me fixer des objectifs de travail et de progrès, dans le jeu. Si je progresse dans mon jeu, logiquement, je vais monter au classement. Après, si cela ne se fait pas en fin d'année, cela se fera l'année d'après. Ce n'est pas pressé, le classement et les résultats purs. Je pense que, de toute façon, si un jour j'arrive à jouer comme l'adversaire que j'ai eu en face de moi, que ce soit demain, dans un an ou deux ans, j'aurai le même classement que lui. C'est une question de niveau et d'engagement, de volonté dans l'entraînement. Si j'arrive à fournir cela le plus souvent possible, je serai un bon joueur. C'est tout.

Construire une carrière, on se projette aussi à long terme. Quand tu vois un joueur comme David, duquel on peut te rapprocher un petit peu, vous n'êtes pas les plus grands et les plus costauds, et solides du fond, est-ce que c’est un joueur qui peut t'inspirer, est-ce que c’est le profil de jeu vers lequel tu aimerais aller, ou est-ce que tu estimes que tu as des armes différentes, et finalement te démarquer ?

Forcément, j'essaye de m'inspirer de tous les joueurs qui sont sur le circuit. Du mec qui est 100^ème mondial au 1^er mondial, ils ont tous quelque chose à m'apprendre. J'essaye de me servir de tous ces gens que je vois s'entraîner, que j'ai la chance de pouvoir côtoyer à l'entraînement, ou sur les tournois. David, je ne suis pas encore à son classement donc je le côtoie rarement, je le vois rarement sur les tournois, donc c'est dur d'apprendre de lui. Aujourd'hui, j'ai eu la chance de jouer contre lui. J'ai beaucoup appris, il m'a montré beaucoup de choses, beaucoup de maturité, je ne vais pas énumérer, mais il m’a appris beaucoup de choses. Globalement, tous les joueurs que je joue, que je vois, j'essaye d'apprendre un peu d'eux. On a tout intérêt à tous se tirer vers le haut. Pour le sport, je pense que ce sera bénéfique. Si tout le monde se tire vers le haut et apprend de chacun, ce sera bénéfique.

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