Tennis. Roland-Garros - Alexander Bublik : "Je vérifiais les billets d'avion dans ma tête"
Alexander Bublik fera partie de ceux qui ont détrôné une tête de série dans ce Roland-Garros 2025 décidément très ouvert. Mieux, le Kazakh est venu à bout d’un joueur du Top 10 mondial en la personne d’Alex De Minaur. Et comme le fantasque Russe de naissance ne fait rien comme les autres, il a accompli cette performance après avoir été mené, et dominé, durant les deux premiers sets de la rencontre (2-6, 2-6, 6-4, 6-3, 6-2). Avant de finalement l’emporter pour accéder à son premier 3e tour Porte d’Auteuil où il défiera Henrique Rocha.
Vidéo - Alexander Bublik : "Je ne suis pas le plus professionnel"
Lire la suite de l'article
Retrouvez le tableau complet du simple messieurs ici
"Je pensais : je vais accepter la défaite..."
Félicitations, Alexander ! Excellente victoire, belle bataille ! Comment as-tu réussi à remonter alors que vous étiez mené 2 sets à 0 ?
Il n’y a pas de secret, j’ai continué à jouer. J'ai utilisé les chances qui se présentaient à moi. Il y a eu un changement d’élan. C’était un peu tôt pour moi. 11 heures, ce n’est pas mon heure. J’étais encore endormi pendant les 2 premiers sets. Il était donc important que je me réveille et que je joue l’un des meilleurs matchs en Grand Chelem que je n’ai jamais joués de ma vie.
Où avez-vous pris cette conviction ? Les 2 premiers sets n’étaient pas si serrés. C’est une surface que vous n'aimez pas trop. Qu’est-ce qui vous a fait penser qu’il vous restait une chance dans ce match ?
Ce n’est pas comme cela que je pensais. Je vérifiais déjà les billets dans ma tête. Cela m’importait peu, en fait. Je pensais « je vais accepter la défaite ».
J'ai déjà gagné 12-13 matchs sur terre battue cette année. Rien que d'arriver au deuxième tour ici, c'était déjà bien pour moi parce que je n'avais jamais gagné autant de matchs sur terre battue. Donc, j’étais un peu fatigué. Je l’ai dit à mon équipe, ils le savent. Donc, cela n’aurait pas été si grave que cela si j'avais perdu. J’aurai été content et chez moi à Monaco à 9 heures ce soir.
Et puis, à la fin, je suis resté, j'ai joué. Si j'ai une chance, alors je pense être capable de battre ces joueurs. Et justement, j’ai eu une chance, je l’ai utilisée.
Quand on joue à 5 sets, le 3e est toujours difficile. C’est rare que l’on gagne 3 sets à 0. Alex a eu un petit creux, je l'ai utilisé. Quand j'ai vu que cela marchait, j'ai vraiment trouvé mon élan et je me suis dit « pourquoi pas », pourquoi ne pas continuer à lancer profond et voyons voir où cela me mènera.
Est-ce que, dans votre carrière, quand votre mental n'était peut-être pas aussi fort qu’ici, si vous aviez été mené 6/2, 6/2, auriez-vous pu laisser tomber le 3e set ?
Mais non, je ne vais pas laisser tomber pendant un Grand Chelem. Je vais avoir 28 ans. Cela fait 7 ans que je suis dans le Top 50. Je sais de quoi il en retourne. Donc, si j’ai une chance, je l’utilise ; sinon, tant pis.
Alex est un super joueur. Un des plus constants sur le circuit. Donc, s'il y a une ouverture, je l'utilise. Il l'a fait, je l'ai utilisée, c'est tout ! S’il m’avait battu à 6-2, tant pis, je serais rentré tout simplement.
"Mon coup droit était pas mal et j’ai ajouté quelques amorties…"
Y avait-il un changement de tactique dans ce troisième set parce que tu as utilisé un peu moins les amorties dans le troisième set et joué plus puissant ?
Oui, mais Alex avait des vitesses de balle absolument incroyables. Je me disais que j'avais 2-3 chances. Mon coup droit était plutôt pas mal aujourd'hui, je l'ai utilisé, j'ai ajouté quelques amorties. Cela a fonctionné. Au tennis, il faut gagner des points cruciaux, cela s'est passé et donc j'ai réussi.
Pour les spectateurs, c'est incroyable. Tu as vu que le public était ravi ?
Oui, quand on voit qu'il y a une lueur d'espoir de pouvoir récupérer quelques points sur quelques erreurs, tant mieux.
Évidemment, c'est bien quand on a des capacités pour produire ce que j'ai produit et que le public est derrière moi, c'est fabuleux, cela m'aide beaucoup.
"C’est ma meilleure performance dans un Grand Chelem"
Il y a quelques tournois, vous disiez : « Je me souviens quand le tennis était plus simple » et vous n'êtes pas le seul. Plusieurs disent que le niveau est toujours plus élevé ?
Oui, j'ai parlé avec Gaël Monfils à Dubaï. J'étais dans une série de défaites. J'ai dit : « Gaël, ce n'est jamais arrivé que tout le monde joue aussi bien ». Il m'a répondu quelque chose de très sensé : « Tu sais, Alex, tout le monde devient professionnel. Les gens se lèvent tôt, vont faire leur préparation physique, leur traitement, etc. » Quand j’ai commencé sur le circuit, il n'y en avait que quelques-uns. On ne parle pas des grands, de Roger, de Rafa, de Novak ; mais, en général, dans les Top 50, Top 100 il y avait des joueurs qui s'amusaient, qui n'avaient pas de coachs, qui n'avaient pas de « physio » alors que, maintenant, tout le monde est super professionnel. Je ne suis certainement pas le plus professionnel, mais il faut trouver le moyen de les battre maintenant alors qu'ils sont 2 fois meilleurs que moi dans leur routine. C'était ma discussion avec Gaël. Il disait : tu attends d'avoir une chance qui s'ouvre pour toi, tu l'utilises. Si tu ne le fais pas c'est ton problème. C'est cela que j'ai arrêté de me plaindre là-dessus, sauf avec Mohamed, bien sûr, on se taquine un peu. Maintenant, tout le monde est professionnel. C'est un problème parce qu'il faudrait s'amuser davantage, à mon avis. Tout le monde est « pro » maintenant. Il est donc difficile de jouer au tennis désormais.
Désolé si la question a déjà été posée, mais tu as tout de même obtenu d'excellentes victoires au cours de ta carrière et c'est la troisième fois que tu as su remonter après avoir été mené 2 sets à 0. Où placerais-tu le degré d'émotion de ce match par rapport aux remontées que tu as faites jusqu'à présent ?
Je pense que c'est ma meilleure performance dans un Chelem. En 2023, à Wimbledon, contre Rublev, c'était plus ou moins similaire. Non, les Grands Chelems sont difficiles, pour moi. Je n'aime pas trop le format. On joue, un jour, à 9 heures. Ensuite, on joue à 11 heures, etc.
Moi, c'est toujours le même horaire, ceci, cela. C'est un peu difficile pour moi comme cela pendant 2 semaines. Mais cette victoire était certainement la meilleure que je n'ai jamais eue sur les Chelem, parce qu’Alex est certainement un des adversaires les plus difficiles pour moi. Il court sur tous les coups, il ne laisse jamais tomber. Donc, j'ai utilisé vraiment toutes les possibilités qui se sont présentées à moi à partir du troisième set. Gagner un tel match, pour moi, c'est une victoire avec un grand V.
Pour revenir là-dessus. Je sais que, à un moment, on peut se dire que les jeux ne sont pas faits avant que le dernier point ne soit joué mais, pendant le match, est-ce que tu avais l'impression « cela a l'air de pencher plutôt de mon côté, je pense pouvoir y arriver » ?
Au troisième set, il était incroyable. Il arrivait à récupérer toutes mes amorties. Je n'arrivais à rien faire. Je me suis dit : « Tant pis, c'est un match, si je le perds, je rentre à la maison puis c'est tout ». À un moment, il m'a donné un break, a fait 2, 3 erreurs. Si c'était 6-2 dans le quatrième, cela allait. Ensuite, j'ai eu un autre break. Ensuite, j'ai commencé à bien servir, etc. J'avais l'impression de me réveiller. Je vous assure que, à 11 heures du matin, c'est extrêmement difficile. D'habitude, je me lève plutôt vers 9 heures-10 heures, je prends mon café, je parle avec ma famille, je joue avec mon fils et je sors vers midi peut-être. Pour moi, 11 heures, c'est donc très tôt.
Quand je suis réveillé, je me dis : comment je me sens aujourd'hui, est-ce que je me sens bien ? Oui, non. Est-ce que je pense pouvoir gagner ce match aujourd'hui contre cet adversaire, avec ces outils à ma disposition ? À un moment, je me dis « oui », donc j'essaie et cela a fonctionné. Comme je dis, il faut vraiment garder son service dans le troisième set, lorsqu'on est 2 sets à 0, c'est sûr. Donc, c'est ce que j'ai fait.